La fourmi rouge d'Emilie Chazerand avait été mon coup de coeur de 2017. J'avais ri, mais j'avais ri ! J'avais ensuite écrit une assez longue chronique ponctuée de nombreuses citations. Bon là, je suis bien partie pour faire la même chose... Désolée ! (Mais c'est aussi mon premier article du blog de l'année :-)
Falalalala est arrivé en cette fin d'année 2019, comme un cadeau un peu en avance mais que étonnamment j'ai mis du temps à déballer. En effet, ce roman est resté en attente m'appelant de son chant entêtant, de sa couverture rouge, posé sur ma table de chevet. J'attendais le bon moment pour le commencer et le savourer.
Et puis voilà. C'est fait. C'est fini. Malgré plus de 500 pages passées en leur compagnie, j'ai trouvé ce moment avec l'étonnante famille Tannebaum bien trop court. Oh oui, bien trop court.
Et ma chronique ne va pas suffire pour vous dire tout le bien que j'ai pensé de ce roman qui ne ressemble à aucun autre. Et là encore, j'ai souri, j'ai ricané et j'ai aussi un peu pleuré parce qu'Emilie Chazerand, c'est ça : le rire et l'émotion tout emmêlés.
Et sans surprise, c'est un coup de coeur !
On pourrait vous dire que ce roman est un véritable réservoir d'histoires folles, belles, humaines, hilarantes, bouleversantes, un conte d'aujourd'hui qui vous arrachera des torrents de fous rires et de larmes... mais on va se contenter de chanter que ce roman est FALALALA-LESQUE !
L'histoire :
Chez les Tannenbaum, on est petit.
Trois générations d'achodondroplases, soit sept naines, gèrent Tannenland, le paradis des êtres miniatures.
Deuxième curiosité alsacienne après la cathédrale de Strasbourg, cette famille n'a rien d'ordinaire. Sauf peut-être Richard, 19 ans, le seul garçon de la tribu. Le seul grand, aussi...
Emilie Chazerand ose tout. Elle a une façon de s'exprimer qui, quoi qu'elle décrive, me fait clairement beaucoup rire (je vous invite à la suivre sur Facebook). Ici, et comme toujours, elle se permet des blagues "limite limite" (mais tellement drôles) notamment sur des sujets qui font débat (religion, racisme, immigration...) au milieu des histoires d'une famille pas comme les autres (mais chez qui on aimerait venir passer quelques jours) coincée entre modernité et tradition et le tout sur un air de Noël perpétuel.
Falalalala, falalalalala...
Vous ne me croyez pas?
Avez-vous déjà lu un roman qui arrive à parler de Damas mais aussi d'Hervé Vilard, d'achondroplasie, mais aussi du syndrome de Brugada, de Dominique Rizet, de bredele et de space cake et où le coeur de chacun a un petit nom (Quentin pour celui de Ludovika) ? Honnêtement, moi non. Mais Emilie Chazerand, c'est ça. L'absurde, le fou, l'incroyable qui au final permettent de dire beaucoup, de dénoncer (je sais qu'elle ne fait pas ça pour ça), de faire comprendre, d'ouvrir l'esprit et de relativiser. Et en plus, j'ai encore relevé une foutitude de passages que je vais me faire un plaisir de relire à l'occasion, quand mon moral sera en peu en berne.
(Je vais vous en mettre un petit florilège plus bas, c'est obligé.)
Parce que si tout a l'air délirant, il y a aussi beaucoup d'émotion. Cette famille est atypique mais clairement très attachante. Elle est rassurante pour ses membres mais en même temps, elle les isole aussi du monde extérieur. Les Tannebaum ont fait de leur "faiblesse" (aux yeux des autres) une grande force. Mais eux aussi finalement sont plutôt intolérants face à ceux qui sont différents, les grands. Le premier a en faire les frais est Richard, le géant, qui est regardé de travers dans cette famille où la norme est d'être petit. C'est assez intelligent la façon dont l'autrice nous amène à réfléchir sur la notion d'altérité qui est toute relative. Tout dépend de quel point de vue on se place.
Emilie Chazerand ose tout, je l'ai dit, et parle de tout. Les thèmes abordés? Ils sont nombreux et librement traités : la maladie, la deuil, la différence, la sexualité, la famille, le mensonge, la grossesse, le racisme, la religion, la tradition, la transmission, l'alcoolisme, l'abandon, les affaires criminelles ( Dominique Rizet ;-), etc.... cette liste est sans fin.
L'autrice, avec humour, met un peu à distance, dédramatise et nous interpelle sur un tas de points essentiels.
Et ces idées sont mises en scène grâce à de sacrés numéros. Je crois que j'ai aimé tous les personnages de cette histoire. Richard, Ludovika, Pravda, Daphné (et sa mère ! ), Leni, Herta, Hazim (Karim?), Fritzi ou encore Dick... (pour ne citer qu'eux) Et même ceux qui ne sont plus vraiment là (le papa de Ludovika dans sa boule à neige, très émouvant...)
Emilie Chazerand laisse de la place à tout le monde donnant la parole aux vivants et aux morts. Elle a réussi à écrire un texte qui mêle toutes les générations et permet de comprendre les préoccupations des uns et des autres quels que soient leur âge, leurs origines, leurs idées, leurs problèmes. C'est riche, c'est riche !
Mais, ne vous y trompez pas, Falalalala, sous son air faussement léger et ses blagues incessantes, a aussi un côté dramatique. Sur cette famille plane la mort, celle qui rôde et celle qui a déjà frappé. Il y a aussi beaucoup de secrets, trop, qui petit à petit rendent le paradis miniature quelque peu étouffant. Sous couvert d'humour, les héros de cette histoire peinent à cacher leurs manques et de faiblesses que l'on découvre petit à petit avec beaucoup d'émotion.
Je crois qu'il faut que je m'arrête là parce que je pars dans tous les sens. Il y a tellement tellement de choses à dire sur le fond, sur cette galerie de personnages formidable qui mériterait d'être plus détaillée. Mais je me suis déjà pas mal étalée. Donc.
Bref.
Ce roman est un coup de coeur qui me permet d'affirmer haut et fort qu'Emilie Chazerand est une de mes autrices préférées.
Lisez, partagez, offrez et chantez Falalalala !
"- Je t'aime, Leninouni, conte-fleurette Dick.
- Je t'aime aussi, Dickinidik, eau-de-rose Leni.
Et les voilà qui recommencent à se lécher la poire, indifférents au fait que Richard est sur le point de vomir par le nez."
"- Je ne suis pas une "gamine", Mamema. Je veux qu'Hazim reste avec nous et je propose qu'on vote, déclare Lulu, calmement.
- On n'est pas en démocratie, ici, ma petite-fille ! Je décide. C'est comme ça depuis toujours et ça fonctionne très bien ainsi alors pourquoi changer?
- Parce que, si l'humanité avait toujours pensé comme ça, on creuserait des trous pour chier dedans, on boirait dans des flaques d'eau et on noierait les bébés achondroplases à la naissance."
"- Ne t'en fais pas, ma chérie : ça va lui passer..., veut la rassurer sa tante Zella.
Et cette petite phrase anodine, gentiment lancée depuis l'évier où Zella essuie tandis que Katinka lave, agace extraordinairement Ludovika.
Primo, parce qu'elle estime connaître Richard bien mieux que sa propre mère et que c'est à elle de dire si "ça va lui passer" ou pas. Deuzio, parce qu'on ne peut pas toujours espèrer, dans la vie, que les choses se résolvent d'elles-mêmes, par magie ou grâce à un alignement planétaire favorable. C'est ulcérant, cette façon de se dédouaner de tout, comme ça, bordel !
- C'est ulcérant, cette façon de se dédouaner de tout, comme ça, bordel!
- Q...quoi?! s'étonne celle-ci, plombée en plein décollage.
- Ça ne va pas lui passer ! Il y a des choses, dans la vie, qui ne passent pas, tu vois !"
"- Oui?
- J'ai adoré. C'était super sympa.
"Super sympa"? Ouh là. Ça, c'est une paraphrase sympathique de "bof". "Tu aimes ma nouvelle robe?" "-Euh, elle est super sympa!" "Ma quiche n'est pas assez cuite, au milieu, non?" "Ah bon? Moi je la trouve super sympa..." Alors, qu'est-ce que je t'avais dit : ma mère est géniale, hein?" "En effet, elle est... super sympa!""
"- Et pourquoi tu ne m'aimes pas, exactement?
Richard inspire jusqu'à ce que ses poumons lui fassent mal, se concentre...et feule :
- A cause de ça, justement : tes putains de questions, non stop ! Tu la fermes jamais ! Tu me rends totalement cinglé ! T'es pire qu'une MST : un seul contact et c'est fini, tu nous colles à la peau et tu nous fait regretter le bref instant de plaisir qu'on a passé avec toi !
- Oh... t'as eu du plaisir avec moi ! minaude Pravda, en éventant ses longs cils de girafon. Je suis hyper touché !"
Mais c'est aussi ça...
"- Tu me manques, Papa. Tous les jours. Parfois, juste un peu. Comme quand il fait tellement chaud qu'on se sent écrasé, aplati, et qu'on pense à la brise, tu sais? Voilà, tu me manques comme le vent. Et à d'autres moments, comme l'air tout court. Ton absence m'étouffe presque."
J'ai eu un coup de coeur pour Herta, avec son nom de saucisse dont tout le monde se moque.
Comme elle, je suis fan des affaires criminelles et j'ai beaucoup ri de sa passion pour Dominique Rizet dont j'aimais moi aussi beaucoup les interventions dans "Faites entrer l'accusé"...
Pour ceux et celles qui aiment les histoires de familles, petites ou grandes...
Pour ceux et celles qui aiment rire de tout.
Pour ceux et celles qui rêvent de visiter Strasbourg.
Pour ceux et celles qui aiment les histoires d'amour compliquées.
Pour tous et toutes à partir de 14-15 ans.
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