Claire Castillon me surprend pour le troisième fois.
J'avais lu Proxima du Centaure (Flammarion, 2018) avec une grande curiosité mais j'étais passée un peu à côté. En revanche, je m'étais complètement laissée chavirer par l'histoire de Miss Crampon (Flammarion, 2019).
Alors, avec River (Gallimard, 2019), je ne savais pas trop de quel côté la balance allait pencher...
Verdict? J'ai adoré !
River, c'est ma soeur. Ma sœur en moche, ma sœur en noir, ma sœur qui n'a rien à voir avec moi. On partage la même chambre, on respire le même air, mais je la plains et je m'en veux. Elle m'adore et je la comprends. Je suis la fille idéale de nos parents. Elle, comment dire... Vous connaissez le vilain petit canard? C'est comme un boulet. Ma mère lutte. On en est à six thérapeutes par semaine. On voudrait tous qu'un jour elle se sente à l'aise en société. Dans la famille, ça va. Mais au collège ? Qu'est-ce qui se passe dans la cour avec les autres? Je veille. Je suis la lumière au fond d'elle. Un jour, je l'éclairerai si fort qu'on prendra feu ensemble afin de former un seul et même être. Idéal.
Un roman psychologique intense sur une ado «différente», harcelée au collège. Et bien plus que cela: Claire Castillon sait comme personne nous emmener où elle veut, nous fourvoyer pour mieux nous surprendre et nous toucher.
Avant de parler du contenu, juste un mot sur cette magnifique couverture. Elle intrigue et en même temps, elle donne le ton. Il sera question d'identité, de dualité et d'illusion, peut-être.
Et puis, dès les premières lignes, on comprend que l'histoire qu'on s'apprête à lire va être assez complexe et sûrement un peu douloureuse.
La narratrice nous parle de sa famille. Son père, sa mère et River.
River, c'est sa soeur et elle est "différente". River est maladroite, empotée, incontrôlable... Quand la narratrice, elle, est l'enfant parfait. Le contraste est fort entre les deux jeunes filles et ça n'est facile pour personne. Ni pour les parents, ni pour la soeur de River ni pour tous ceux qui sont amenés à croiser son chemin.
Pourtant, River aimerait tant être aussi belle, sûre d'elle et aimée que sa soeur, elle qui ne pose de problème à personne. Car River, elle, cause bien des soucis à ses parents, désemparés face à son comportement souvent inadapté. Son père ne l'accepte pas vraiment quand sa mère, à l'inverse, se dévoue corps et âme pour cette enfant différente. Et sa soeur? Elle vit avec. Elle n'a pas le choix. Elle supporte mais on sent aussi qu'elle souffre. Son discours est assez trouble sur cette petite soeur pas comme les autres. Il change au fur et à mesure qu'on avance dans l'histoire.
Alors, le récit se déroule et le ton adopté fluctue : distant, parfois dur mais en même temps tendre et par même compatissant.
River est au collège et sa soeur, au lycée où pour elle, tout se passe bien. En revanche, pour River, ce n'est pas la même chose. Elle est la cible de moqueries auxquelles elle ne sait pas faire face. Sa soeur essaie de la protéger mais ça ne semble pas faire effet.
Petit à petit, les railleries se transforment en harcèlement. River est bien seule et n'a pas les armes pour se défendre.
Alors, on assiste, comme la narratrice, à l'horrible déchaînement de violence dont River est victime, impuissants.
Je vais m'arrêter là pour ne pas dévoiler toute l'intrigue et lever ainsi tout le mystère mais vous l'aurez compris, rien n'est simple dans cette histoire.
Claire Castillon comme dans les deux romans dont je vous ai parlé en introduction, appuie son récit sur un personnage en apparence faible, différent mais dont la force va petit à petit apparaître. River est très touchante, naïve et pleine d'innocence alors même qu'on la malmène durement.
Bref, il y a beaucoup de souffrance dans ce texte, beaucoup de douleurs.
Les thématiques abordées sont fortes notamment la différence et le regard qu'on porte sur elle mais surtout le harcèlement et la façon dont on le traite à l'école et en famille.
Claire Castillon nous livre un texte à l'intrigue extrêmement dérangeante car le ton léger et la mise à distance nous mettent souvent mal à l'aise. Ici, on ne peut pas dire qu'il y a de l'humour comme dans Miss Crampon mais il y a quand même une certaine dérision, notamment dans les propos de la soeur ou le comportement de River qui peut prêter à sourire. Mais tout cela s'estompe cependant au fil du récit.
On retrouve ici toute le talent de l'autrice et cette façon de parler de choses tristes avec une apparente légèreté.
En tout cas, elle frappe fort et juste avec River.
Et c'est un roman à côté duquel il ne faudra pas passer.
(A noter qu'il est dans la sélection du Prix Vendredi 2019)
Pour ceux et celles qui aiment les histoires surprenantes.
Pour ceux et celles qui s'interrogent sur le harcèlement scolaire.
Pour ceux et celles qui aiment les romans qui abordent la différence.
Pour tous et toutes à partir de 13-14 ans.
#VosCommentaires