Les maux bleus est l’un des deux premiers titres parus dans la nouvelle collection Echos chez Gulf Stream. Comme pour Electrogène, autre collection ado de l’éditeur, la maquette est soignée et vraiment réussie.
Après lecture de ce premier titre, je peux affirmer que le contenu l’est, lui aussi.
Armelle a 16 ans.
Rien ne va plus au lycée. Sur son passage, on se moque, on l’insulte, on la rabaisse. Pourquoi ? Parce qu’Armelle aime les filles.
Et à la maison, elle ne risque pas de trouver le moindre réconfort. Elle n’a rien dit à ses parents. Car le comble, c’est qu’ils ont décidé de participer au rassemblement de la Manif pour tous.
Autant dire qu’Armelle se sent seule et incomprise, même au sein de sa propre famille.
Mais de là à imaginer être mise à la porte ? Non. Ca, elle ne pouvait pas le prévoir.
C’est le choc. Armelle est dans la rue, seule, avec la tête et le cœur en vrac…
Des romans qui abordent l’homosexualité, il y en a. De plus en plus et heureusement ! Cela permet de réfléchir, d’enfoncer le clou et d’en parler, tout simplement.
Ce que je trouve particulièrement intéressant et assez original dans le texte de Christine Féret-Fleury, c’est qu’elle nous montre ce que vivent de nombreux adolescents au sein de leur foyer: un rejet total de ce qu’ils sont avec des actes extrêmes graves.
Comment peut-on jeter son enfant dans la rue ? Pourtant, les faits et chiffres sont là, Christine Féret-Fleury nous les rappelle en fin de roman.
On pourrait pourtant penser que les mentalités évoluent. Malheureusement, cela est loin d’être gagné.
C’est pour cela que des romans comme Les maux bleus sont importants.
Sans détour, naturellement et avec poésie, Christine Féret-Fleury parle « Manif pour tous », homosexualité mais aussi homoparentalité.
Elle compose également un beau portrait d’adolescente.
Armelle, son héroïne, a su assez tôt qu’elle aimait les filles. Le roman ne parle pas de ça, ou très peu. Il n’est pas question pour Armelle d’une remise en cause de qui elle est. Elle le sait. Elle n’a pas à se justifier. C’est juste qu’elle voudrait que les autres l’acceptent, tout simplement, pour qu’elle n’ait plus à mentir ou avoir honte de quelque chose qui n’a pourtant rien de honteux.
Il est vraiment question du regard des autres, pesant, malveillant voire méchant.
Armelle ne comprend pas. Nous non plus. Comment peut-on encore avoir ce genre de réactions ? De propos ? De jugements ?
Avec cette narration au cœur de l’intime, on se sent très vite pris dans la tourmente avec Armelle. La jeune fille livre ses peurs, ses doutes dans son carnet, Blue, qui recueille ses confidences sans la juger.
On écoute nous aussi son témoignage sincère et terrible. Il est dur de la voir jeter dehors par ses parents, il est dur d’entendre les moqueries des autres, il est dur de sentir qu’elle perd pied alors qu’elle ne demande rien d’autre que la tranquillité, la liberté d’être elle-même.
Dans son épreuve, Armelle va heureusement croiser la route de personnes plus attentionnées, avec le concours notamment de celle qui l’a fait tomber mais qui aujourd'hui le regrette…
Elle va avoir la chance, malgré sa situation dramatique, de rencontrer deux femmes, en couple, qui vont l’accueillir et lui offrir l’image d’un foyer aimant et compréhensif. Un modèle, enfin.
Les maux bleus est un roman qui donne la parole à une jeune fille comme les autres mais qui va pourtant devoir se battre pour le prouver.
Les maux bleus est un roman malheureusement d'actualité qu’il faut lire et faire lire pour que les mentalités, enfin, peut-être, changent.
« Si j’étais un homme, je serais amoureux d’elle.
J’étais soulagée. J’avais résolu l’énigme. Je m’étais glissée passagèrement dans la peau d’un homme, d’un homme épris, touché par la beauté d’une femme, mais comme je n’étais pas un homme, l’histoire allait s’arrêter là.
Du moins je le croyais. » p.23
« Pendant que je dormais un masque s’est posé sur mon visage, je le sens, si fin qu’il s’est insinué dans le moindre pli, collant, résistant, je ne pourrai jamais plus l’enlever. Et tout le monde verra.
Il y a eu hier, il y a aujourd’hui. Et je ne suis plus la même. » p.70
Je remercie les éditions Gulf Stream de m’avoir permis de découvrir ce joli texte.
Je continue mon exploration de la collection Echos avec Mes vies à l’envers de Maxime Fontaine annoncé comme « une enquête à rebours haletante ou le fantastique perce habilement dans une succession de décors historiques ».
Pour ceux qui aiment les héroïnes fortes.
Pour ceux qui aiment les témoignages.
Pour tous ceux qui veulent que les choses changent.
Pour tous, à partir de 13-14 ans.
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