"Je tiens la boucle d'oreille dans la paume de ma main. Je peux voir mon reflet distordu dans le blanc immaculé, ma bouche stupéfaite comme un hurlement déformé.
Ce n'est pas tout. Il y a un mot, un message écrit grossièrement au marqueur noir comme mon nom sur l'enveloppe.
JE SAIS."
#RémiGiordano
Je n’en ai pas parlé ici mais j’avais beaucoup aimé un des précédents titres de l’auteur : Malamour (Thierry Magnier, 2020). Ce roman a fait partie de la sélection du Prix Cendres 2021 (créé en hommage à la très regrettée Axl Cendres) ainsi que de celle de Mes Premières 68 (belle expérience à laquelle j’ai eu la chance de participer).
Malamour est un puzzle qui se reconstitue sous nos yeux, celui des souvenirs du héros qui semble ne pas vouloir affronter des événements traumatisants et une réalité peu reluisante.
Ici, la construction est un peu la même. Une jeune fille s'est volatilisée l’été dernier. Si le mystère autour de sa disparition n’a pas été éclairci, certains et certaines en savent plus qu’ils ne l’ont dit au moment du drame. Et leur conscience semble vouloir aujourd’hui les rattraper et les pousser à dire la vérité.
#AucunRetourPossible
Rémi Giordano, avec cette façon de nous raconter l’histoire, par bribes, en remontant progressivement le fil des événements, fait naître le suspense et crée beaucoup d’angoisse. Que s’est-il passé ? Les héros de ce récit sont-ils aussi innocents qu’ils y paraissent ? Doit-on vraiment compatir à leur problèmes actuels, causés par le choc de l’été passé ?
Cette ambiance pesante est fortement alourdie par le fait que l’intrigue se joue sur une île.
Loin du continent, en vase clos, on se sent seul et instinctivement en danger. Bien évidemment, on pense au très célèbre roman d’Agatha Christie et dans la foulée au très bon Dix de Marine Carteron. Cela m’a aussi rappelé le très prenant Passé minuit d’Emmanuelle Cosso même si les héros de Rémi Giordano n’ont pas perdu la mémoire. Eux, ils ont fait le choix d’oublier.
Ceci étant dit, revenons à notre histoire. On suit donc les récits livrés tout d’abord par Camille, puis par Laura et Théo et enfin Blanche. Cet effet choral permet d’entrer dans la tête des uns et des autres. Chacun nous livre son ressenti, son avis sur les membres du groupe d’amis…
On découvre des éléments au fur et à mesure et nos convictions vacillent. Il y a eu la mort (celle-ci reste à déterminer) de Laura. A la sienne va venir s’ajouter une autre qui replonge les protagonistes dans l’horreur. On ne sait plus à quel saint se vouer.
Tout ce dont on est sûr, c’est que les pages défilent, au gré des confessions des uns et des autres. La tension monte et on veut absolument savoir qui est derrière ces crimes. Parce que rien n’est accidentel. Parce qu’on doute. Rémi Giordano y veille.
Ce que j’ai beaucoup aimé dans ce roman, au-delà de l’intrigue captivante et bien ficelée, de la peur suscitée et de l’ambiance étouffante, c’est qu’on a aussi le portrait d’adolescents qui ont tenté de continuer à avancer malgré le terrible événement qui a bouleversé leur vie. Camille m’a beaucoup touchée, par exemple. C’est elle qui nous accompagne au début du roman et nous révèle quelques éléments qui ont mené au drame. Son personnage nous montre combien un secret, ici particulièrement sombre, peut vous ronger.
Autour, gravitent des personnalités assez marquées mais à la fois très justes qui permettent d’aborder les problématiques qui interviennent dans un groupe d’amis, surtout quand ils ne sont pas forcément choisis. Vivre sur une île ou dans un petit village force parfois les amitiés. Et les jalousies.
Le cadre est posé, les distensions diverses aussi. Sans la vérité, d’autres drames ne pourront pas être évités.
Comme dans le tableau de Arnold Böcklin dont il question dans le roman, on s’enfonce dans ce récit, glissant peu à peu dans l’horreur et l’effroi. L’île a été le théâtre de jeux dangereux, de mensonges et de bien trop de secrets. Tous les bons éléments nécessaires au bon déroulement d’une pièce qui s’annonce sombre mais passionnante !
L’île aux morts est un très bon thriller qui fait judicieusement monter la pression, faisant peser la culpabilité (du drame, du silence) sur les uns et les autres. A découvrir !
#PourQui?
Pour ceux et celles qui aiment les secrets bien gardés.
Pour ceux et celles qui rêvent de vivre sur une île…
Pour ceux et celles qui aiment les romans où la tension monte, monte, monte…
Pour ceux et celles qui veulent lire un roman choral bien ficelé.
Pour tous et toutes à partir de 13-14 ans.
#PageDesLibraires
Vous pouvez aussi découvrir ma chronique dans la revue Page des Libraires :
#VosCommentaires