Troubles et T’arracher m’avaient laissée sur le carreau. Un mois à l’Ouest m’a finalement moins mise mal à l’aise. C’est un peu étonnant car ce roman mène la vie dure à son héros et nous, lecteurs, assistons à une suite d’événements incroyables et éprouvants.
Mais j’ai encore une fois vraiment accroché aux mots de Claudine Desmarteau. Quel texte !
Fred a quitté Strasbourg, sa ville natale, et vient d’arriver au Canada pour un mois.
La raison de sa venue : une fille.
Quand débute le roman, on comprend bien vite que la situation a tourné au vinaigre.
Résultat : au lieu d’un mois qu’il s’était imaginé idyllique, Fred va devoir le passer seul à se débrouiller pour trouver où dormir, de quoi manger et passer son temps. La douche froide.
De bonnes en mauvaises rencontres, de plans vraiment glauques en trajets en stop, Fred va sillonner un petit bout du Canada, passer par New York, les chutes du Niagara et bien d’autres endroits plus ou moins accueillants.
Pendant que l’on suit son parcours, Fred revient sur ce qui l’a amené au Canada et bien d’autres choses…
Car un mois, ça laisse aussi le temps de faire le point.
Claudine Desmarteau nous propose un road trip à sa façon. Et pour le coup, ça donne quelque chose de totalement déjanté.
Avec ce héros, on navigue entre une envie de rire (pas longtemps) et clairement une envie de le plaindre.
Il a été naïf, certes, il en a bien conscience. Et nous aussi. Mais bon, on fait tous des erreurs.
Si certaines situations prêtent à rire, bien vite, elles sont contrebalancées par des scènes bien plus tendues où le danger n’est pas loin.
On ne sait pas trop quoi penser de tout ca. Ce voyage va-t-il aider notre héros ? Ce n’est pas forcément l’impression que l’on a, non. Du moins au début.
Il boit beaucoup, fume, mange mal (il se gave d’œufs crus)… pour oublier son échec mais sans doute aussi pour d'autres raisons.
En même temps, c’est un ado un peu perdu au milieu d’un pays qu’il ne connaît pas qui vient de voir son rêve s’évanouir. Perdu, on le serait aussi à sa place.
Mais finalement, même s’il galère, il tient bon. Petit à petit, il se fait une raison, il se blinde. Il tient le choc. Et l’on sent que ce voyage ne lui laissera pas qu’un mauvais souvenir.
Comme je le disais plus haut, ce texte ne m’a pas mise mal à l’aise comme ses précédents mais il m’a tout de même un peu déstabilisée. A certains moments, je ne savais pas trop où l’autrice voulait en venir. Mais finalement, j’avais envie, comme Fred, de tenir bon.
Pour lui pas le choix d'avancer, pour moi si. Et je ne le regrette pas. Vraiment pas.
Je suis arrivée au bout du voyage avec Fred, un peu étourdie mais contente moi aussi de rentrer au pays.
Rétrospectivement, j'avais le sentiment que toutes ses rencontres, toutes ses bonnes et mauvaises choses qui lui étaient arrivées ne pourrait que l’avoir fait grandir et peut-être moi aussi un peu.
Les chapitres courts, le style saccadé et incisif de Claudine Desmarteau mettent les nerfs à rude épreuve. Cela donne beaucoup de rythme, les pages et les galères s’enchaînent.
J’aime vraiment son style. Alors oui c’est cru, parfois vulgaire, souvent violent mais il y a aussi des moments de grâce portés par une écriture vraiment puissante et brute.
Petites bulles d’air dans ce roman : les photographies en noir et blanc prises par le héros.
Elles sont apaisantes. On y ressent un certain calme et de la beauté.
Ce sont ces images qui resteront du voyage du héros. Finalement et paradoxalement, elles ne sont pas forcément représentatives des moments qu’il aura vécus. Bien souvent, on ne retient de certains voyages que les moments heureux, comme ceux figés, fixés par l’objectif d’un appareil.
Les photos trouvent tout naturellement leur place au cœur de ce roman décidément pas comme les autres.
Honnêtement, tout ce que je peux vous dire, c’est que j’ai adoré ce texte et que je vous invite fortement à le lire.
Certes, ce n’est pas un roman « passe-partout » qu’on lit pour se détendre mais c’est un texte très fort qui vous remuera, obligatoirement.
Je me rends compte en écrivant ma chronique qu’il m’est difficile d’en parler encore. C’est parfois le cas sur certains textes que j’aime beaucoup.
Alors si vous n’avez jamais lu de romans de Claudine Desmarteau, tentez l’aventure.
Si vous avez déjà lu du Claudine Desmarteau, vous savez de quoi je parle et je n’ai pas besoin de vous convaincre.
Pour ceux qui aiment voyager.
Pour ceux qui veulent sortir des sentiers battus.
Pour ceux qui ont le coeur bien accroché et qui aiment qu'on les bouscule un peu.
Un roman à lire au lycée.
J’ai lu l’un après l’autre deux romans sur des voyages mais dans deux genres totalement différents : Un mois à l’Ouest et Y aller (bientôt sur mon blog)
Ces deux romans ont fait l'objet d'un article thématique dans la revue Page des Libraires (numéro été 2018)
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