“Vivre, c'est courir après l'espoir d'être vivant, accepter en soi une faim que rien ne peut éteindre. S’essouffler à croire, vouloir, à demeurer dans le mouvement. Mais les chances sont minces et les miracles n'arrivent pas: on vit les uns au détriment des autres, on se mange, on se dévore. C'est la jungle ici, c'est lutter qui nous tue.”
#LesMots...
Je ne sais pas si je vais réussir à en parler, de ce livre (oui, ça commence bien...) Mais j’ai eu du mal à aller au bout. Pas parce que je ne l’ai pas aimé, ce roman, mais parce qu’il m’a bouleversée.
Antoine Dole... avec sa façon bien à lui d’écrire (des phrases courtes, percutantes), sa façon d’aborder des thèmes difficiles (le deuil, la dépression, le suicide,...)... Il nous livre ici, comme à son habitude, un texte à fleur de peau qui plonge au plus profond du mal-être et nous y installe pour nous faire comprendre toute la difficulté à y faire face et en sortir.
Dans Six pieds sur terre, Antoine Dole décortique également l’histoire d’amour à deux vitesses d’un couple dont les passés respectifs les attirent autant qu’ils les éloignent. C’est extrêmement juste (comme toujours avec l’auteur) et c’est extrêmement émouvant.
Le roman alterne entre Jérémy et Camille. L'un plonge, et l'autre tente de maintenir le cap. On sent la pression qui s'intensifie au fur et à mesure qu'on avance dans le récit. Un drame semble se profiler. Lequel ? Les trente dernières pages, je les ai lues dans la douleur et sous tension. J’avais vraiment peur du dénouement. J’ai même dû faire une pause.
Avant tout cela, l’auteur nous entraîne dans les pensées les plus sombres de Jérémy, jeune homme qui s’est construit ou plutôt déconstruit sur un drame (la perte de sa mère et le mensonge autour) qui l’empêche aujourd’hui d’être heureux (peut-on l’être pleinement?), de s’épanouir dans son couple et parfois même juste de mettre un pied devant l'autre.
Malgré tout, il entretient une relation amoureuse. Enfin, c’est peut-être plutôt Camille qui l’entretient pour eux deux. Jérémy ne sait plus trop parfois. Il est trop malheureux pour rendre quelqu’un d’autre heureux.
Camille, elle, a grandi auprès d’une mère qui n’en était pas vraiment une. Une femme qui l’a étouffée autant qu’aimée. Mais Camille, à l’inverse de Jérémy, a décidé d’aller vers la lumière. Elle est un soleil Camille. Alors que Jérémy est l’ombre qui le surplombe.
Sur le plafond de leur appartement, une tâche d’humidité est apparue. Jérémy l’observe et l’assimile au mal-être qu’il vit au jour le jour. Cette tâche d’abord petite, va s’étendre comme les idées noires de Jérémy qui vont être amplifiées par une annonce inattendue. Camille et Jérémy feront-ils face ensemble ou séparément?
Antoine Dole écrit donc aujourd’hui son premier livre en “littérature générale”. Pour être honnête, je lisais déjà l’auteur pour ses romans ados (que j’aime beaucoup mais dont je n’ai pas beaucoup parlé par ici finalement à part le très beau Ueno Park) donc j’ai lu Six pieds sur terre sans me poser de questions. Et je l’ai aimé, sans m’en poser beaucoup plus.
C’est un très beau roman. Très difficile aussi car il appuie là où ça fait mal, posant des questions qui nous ont tous et toutes effleurés, touchés même de près ou de loin, quel que soit notre passé, nos drames personnels. C’est difficile de vivre parfois.
“C’est vivre qui nous tue, oui.
C’est vivre qui nous tue.
Parce qu’on souffre et elle s’en fout, cette vie, que l’on s’accroche ou non.”
Mais tout n’est pas noir, non. Il y a un peu de lumière dans ce roman. Timide. Mais précieuse.
C’est un roman humain, sensible, douloureux et libérateur aussi.
C’est un très grand roman de cette rentrée littéraire.
#PourQui?
Pour ceux et celles qui oscillent entre l’ombre et la lumière.
Pour ceux et celles qui cherchent une histoire d’amour douloureuse mais vraie.
Pour ceux et celles qui n’ont pas peur de verser quelques larmes.
Et cette fois-ci, ce n’est pas un roman pour les enfants.
#VosCommentaires