Le jour où on a retrouvé le soldat Botillon

Soumis par HashtagCeline le dim 05/05/2019 - 21:38
"Grand-Mamie me dit alors qu'un régiment c'était mille hommes. Entre 1914 et 1918, un régiment, c'était aussi mille morts. Un tiers des 1 400 000 Français tués lors de la Première Guerre mondiale l'ont été pendant les trois premiers mois de la guerre. Une tuerie. Pas étonnant qu'on l'ait appelé "La Grande Guerre".
#HervéGiraud

 

Une seule question me vient après ma lecture de ce roman : Pourquoi, mais pourquoi ne parle t-on pas plus d'Hervé Giraud? 

Après Histoire du garçon qui courait après son chien qui courait après sa balle et Y aller, je suis encore une fois scotchée par tant de talent. 

Dans Le jour où on a retrouvé le soldat Botillon, à sa façon, Hervé Giraud parle de la première guerre mondiale et de ses horreurs : c'est terriblement beau et émouvant.

 

#QuatrièmeDeCouv'

 

"Le soldat Botillon part à la guerre de 14 et se retrouve au front sans rien comprendre de ce qui lui arrive, soldat de base sous le feu de l’ennemi. Dans la boue.
Cent ans plus tard une réunion de famille célèbre l'anniversaire de leur aïeule, la fille du soldat Botillon, qui n’a jamais connu son père disparu lors des combats. La quatrième génération joue à la guerre dans le jardin. Ces batailles d'enfants contrastent joyeusement avec le récit du soldat Botillon."

 

#Claque

 

Après avoir lu un bon nombre de romans sur la première guerre mondiale, je ne pensais pas me prendre une telle claque avec un récit sur le sujet. Mais en même temps, avec Hervé Giraud, j'aurais dû me douter qu'il saurait aborder ce thème différemment : c'est décalé, original et très réaliste.

"Mon moral n'existe plus depuis des jours, sans nouvelles des miens, sans savoir ce que je fais là. Je m'endors de cette seule certitude que je ne suis plus rien. L'avantage de ne plus avoir d'espoir, c'est que ça protège des désillusions." 

J'ai beaucoup aimé la construction de ce roman. Le fait que le récit se joue sur deux époques donne beaucoup de rythme tout en nous permettant d'aller au bout de cette histoire. 
Il y a la guerre, réelle, inimaginable et mortelle. Et puis, il y a celle qui se déroule avec ces enfants, descendants du soldat, Noël Botillon, qui jouent eux à la faire. L'opposition des deux "guerres" rend la première, la vraie, encore plus saisissante. Les moments d'aujourd'hui permettent de souffler mais en même temps, ils accentuent l'horreur. Mais ils sont de toute façon nécessaire pour tenir tout du long... Les passages qui racontent le quotidien de Noël Botillon sont difficilement soutenables et cela ne fait qu'empirer au fur et à mesure qu'on avance dans le récit. Hervé Giraud ne cherche pas à nous épargner les détails.

On est au coeur de l'horreur. Le sang, la boue, les morts... On sait tout ça mais c'est impossible de l'imaginer vraiment. Hervé Giraud, par la force de ses descriptions, nous amène près, très près de cet enfer que tant d'hommes ont vécu et dans lequel des centaines de milliers d'entre eux ont péri.

" C'est un volcan de boue, de débris humains, de métal et de pierres qui éructe et puis s'affaisse. C'est la terre après le règne des hommes. Tout est noir et cette fois, ça y est, ça devait bien finir par arriver. Il était écrit qu'on allait tous y passer." 

Noël Botillon, soldat comme les autres, chair à canon, n'a pas eu le choix. Il est là, il suit les ordres. La mort, dans tous les cas (désertion ou combat au front), l'attend au bout du chemin. Noël décrit les combats, l'attente et pense à ce qu'il a laissé derrière lui : sa femme et son enfant qui va naître. Il garde sur son uniforme une médaille gravée qui lui rappelle cette vie d'avant qui lui semble si loin.  Et puis, il y a l'explosion, un drame de plus parmi les milliers de milliers d'autres.
 Et à partir de là, on s'enfonce dans un autre enfer...

"Si le simple fait d'avoir survécu au combat est déjà une blessure, le reste des dégâts les a convaincus qu'il valait mieux rester coupés du monde à tout jamais, se taire et attendre la mort. La vraie mort." 

Entre deux horreurs, on se retrouve au coeur d'une fête, celle de l'anniversaire de Grand-Mamie qui fête ses 100 ans. Elle est âgée mais elle se souvient. Dans une vieille boîte, des souvenirs de sa vie à elle, trépidante et bien remplie. Mais aussi une photo d'un groupe de soldats, parmi lesquels pose son père. Grand-Mamie cherche à intéresser ses petits-enfants à tout ça, en vain.
C'est intéressant la façon dont l'auteur aborde, à travers ce jeu des époques, le rapport de la nouvelle génération à l'ancienne. Il y a une certaine insouciance, une désinvolture et de la moquerie dans le regard des petits enfants. 
Nous qui lisons en parallèle le récit de Noël Botillon, nous sommes à la fois amusés et choqués de les voir aussi insouciants. 

" La guerre, ça éloigne les ennemis, mais ça fonde les fratries, ça crée de nouvelles émotions et les sentiments sont plus vrais. A se demander si l'homme n'a pas été crée pour se battre, pour se mettre sur la gueule et vivre intensément plutôt que de vivoter chichement à faire ses courses au carrefour market tous les samedis avant de laver sa bagnole et regarder la télé le soir." 

Mais au final, le passé rattrape le présent. Noël Botillon n'a pas dit son dernier mot.
Le coup de théâtre final nous prend à la gorge et nous submerge d'émotion. 
Merci Hervé Giraud pour ce texte qui nous rappelle les horreurs de notre Histoire et nous remet les idées en place. Il nous permet aussi de nous souvenir et d'honorer la mémoire de ces hommes, qui comme Noël Botillon, ont sacrifié leur vie pour leur pays...

" La guerre est une cicatrice ouverte. La guerre est terminée maintenant pour lui et pour nous. La plaie est refermée, mais il reste la cicatrice."

 

#Extrait

 

Un dernier extrait pour montrer tout le talent d'Hervé Giraud à manier les mots. 

"Fossoyeur, je travaille la nuit à préparer les tombes, à m'occuper des cimetières; je vis au milieu des cercueils et des corps sans vie, les seuls que je supporte, dans cet espace à mi-chemin du ciel et de la terre, dans l'entre-deux, au point de fusion de la vie et de la mort, un no man's land boueux de plus. La journée, je me terre, la nuit j'enterre." 

 

#PourQui?

 

Pour ceux et celles qui s'intéressent à l'Histoire et à la première guerre mondiale.

Pour ceux et celles qui n'ont pas peur de voir la réalité en face.

Pour ceux et celles qui aiment les romans qui mêlent passé et présent.

Pour tous et toutes à partir de 13-14 ans.

 

Coup de cœur !
Auteur
Editeur
Public
Date de sortie
Nombre de pages
144
Prix
9.00 €
Langue
Français
Image

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