Je vous ai déjà parlé de Séverine Vidal sur le blog, pour des livres divers et variés mais que j'ai tous autant aimés (l'extraordinaire Pëppo chez Bayard, l'hilarant J'ai vu un lion chez Milan ou le romantique (et humoristique) Il était deux fois dans l'Ouest en Pépix chez Sarbacane) entre autres...
Il me reste de nombreuses et belles choses à lire dans sa bibliographie, je n'en doute pas.
En attendant, avec Des astres paru dans la collection Exprim chez Sarbacane, Séverine Vidal m'a mis une belle claque. Forte, violente, marquante, une de celles qui vous pique les yeux. Un mal pour un bien.
C'est un coup de coeur.
"C'est l'histoire de Pénélope, une fille que sa mère n'a jamais su aimer. Une fille transparente, timide, terrifiée par la vie... au point de ne pas se sentir la force, le jour venu, d'élever son bébé. Au point de l'abandonner en pensant le sauver. C'est l'histoire de Romane, une fille qui n'a jamais connu sa mère biologique. Une fille heureuse, épanouie, gourmande de vie... mais à qui il manque toujours quelque chose.
A qui il manque toujours quelqu'un. C'est l'histoire des mères et de leurs filles, qui raconte combien parfois, les mères peuvent nous détruire et combien parfois, elles nous sauvent."
Séverine Vidal nous offre de beaux portraits croisés, déchirés et poignants de mères et de filles.
Trois femmes et parmi elles, deux mères, deux filles et autant de possibilités de désastres. Car entre ces trois-là, il y en a eu du gâchis mais aussi du désamour, de l'abandon, des reproches, des absences, des non-dits, des déceptions, beaucoup. Irène, Pénélope, Romane, unies par le sang mais séparées par un océan de rancœur, d'incompréhension, de mauvais choix et de méchanceté.
Irène, la mère de Pénélope est une femme horrible, toxique, égoïste. C'est une manipulatrice de type "pervers narcissique". (Oui, vous verrez, je n'exagère pas) Séverine Vidal réussit très bien à nous faire comprendre comment Irène, une mère qui n'a de ce rôle que le titre, a complètement bridé sa fille, Pénélope, l'étouffant, la conditionnant et la ridiculisant de façon permanente, allant même jusqu'à rentrer dans son intimité. C'est glaçant. On découvre l'histoire d'Irène, par bribes, mais cela ne permet pas de lui trouver des excuses. Moi, je n'ai pas réussi.
Pénélope, elle, nous fait de la peine. On voudrait la voir se rebeller mais on comprend aussi le poids qu'elle porte sur les épaules, celui du regard, du jugement de cette mère insidieusement mauvaise. Elle plonge, elle perd pied. Une seule chose pourrait peut-être lui sortir la tête de l'eau, avant qu'elle se noie. Sa fille. Celle qu'elle a abandonné... Pénélope m'a énormément touchée. On comprend vite qu'elle est sous emprise. Celle de sa mère et de sa mauvaise éducation qui tire vers le bas. Et que tout cela explique, pour son cas et contrairement à sa mère, bien des choses.
Et puis il y a Romane, jeune fille bien entourée, qui vit auprès de parents adoptifs patients, aimants et bienveillants. Elle s'est construit une vie et trouvé un certain équilibre. Mais au fond d'elle se cache un mal-être sourd mais latent. Celui qui au lieu de s'exprimer clairement lui fait (par exemple) acheter sur un coup de tête quatre ou cinq maillots de bain dont elle n'a pas besoin. Une curiosité, une envie de savoir pourquoi, d'avoir des réponses la rongent, petit à petit. Difficile de faire abstraction du fait qu'on a été abandonné... Romane est un personnage qui m'a aussi beaucoup émue. Elle tente de ne pas se laisser happer par le passé, par Pénélope et son mal-être, par l'ombre d'Irène. C'est dur, surtout quand on est aussi jeune et qu'on tente de se construire, de regarder en avant, pas en arrière.
Séverine Vidal noue et dénoue les fils entre ses trois femmes dans une tension dramatique et psychologique phénoménales. J'ai vraiment aimé la construction qui alterne le passé et le présent, parfois de façon un peu décousue pour Pénélope. Ce qui intensifie le mal-être qui se dégage d'elle expliquant les choix terribles qu'elle a pu faire.
En plus de tout cela vient se greffer une autre intrigue, cette fois-ci amoureuse, dont les aboutissants seront eux aussi lourds de conséquences. Cela s'imbrique parfaitement au reste, prolongeant la terrible spirale dans laquelle semble devoir tomber les femmes de cette lignée. Je ne vous en dis pas plus sur ce point.
On ne décroche pas de ce livre. Les personnages qu'on y croise sont inoubliables, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. L'émotion est là, de bout en bout. Et on ressort avec la gorge serrée par tous ces désastres qui, avec un peu plus d'amour, auraient pu être évité...
Un texte magnifique à côté duquel il ne faudra clairement pas passer. Là aussi, cela serait un désastre.
(J'assume ce jeu de mots hasardeux)
Pour ceux et celles qui ont des relations compliquées avec leurs mères.
Pour ceux et celles qui aiment les histoires d'amour et de haine.
Pour ceux et celles qui veulent prendre une claque (je vous l'ai dit, c'est un mal pour un bien)
Pour tous et toutes à partir de 14-15 ans.
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