"On se définit toujours négativement, en faux, par rapport à quelque chose ou à quelqu'un", a déclaré ce matin le prof de philosophie. Ma famille, mes amis me poussent à me définir contre eux. Contre leur satanée vraie vie. Je vois bien comment elle doit être, leur vraie vie. Leur vie, c'est faire du bruit au premier rang, ou suivre les autres en silence. Moi je veux être tout devant, et me taire...
Ils me disent qu'il est temps, qu'il faut que je me secoue. Ils disent qu'il faut quitter ses rêves, entrer dans la vraie vie.
Il y aurait donc une fausse vie? Est-ce que je ne vis pas, moi, avec mes rêves, mes secrets, est-ce que je serais déjà mort?
#AnnePercin
J’ai lu un certain nombre de titres d’Anne Percin. Je l’ai découverte avec Comment bien rater ses vacances (Le Rouergue, 2010) qui est resté pour moi un titre de référence et que je conseille toujours les yeux fermés. Extrêmement drôle mais aussi émouvant, c’est un incontournable du rayon littérature ado.
J’ai également lu et aimé Ma mère, le crabe et moi (Le Rouergue, 2015) ou encore Cowboy girl (Le Rouergue, 2013).
Chaque fois, elle m’a séduite avec ses sujets sensibles traités avec gravité mais une certaine forme d’humour aussi.
Là, grâce à cette réédition, je découvre ce premier texte paru en 2006 : Point de côté.
Cette fois-ci, si j’ai vraiment aimé ce roman, je n’ai pas beaucoup ri. Point de côté est un texte cru, sombre et cruel qui, s’il ne manque pas de poésie et d’émotion, est assez différent de ses précédents. De fait, j’ai été assez surprise au tout début, ne m’attendant pas à autant d’obscurité. En fait, je ne sais pas trop à quoi je m’attendais (ce qui est mieux, non?).
Et cette noirceur ne m’a, au final, pas dérangée. Au contraire. J’aime les textes qui flirtent avec l’ombre. Et Point de côté est un de ceux-là. Et je sais qu'il va fait désormais partie des histoires que je ne suis pas près d’oublier.
#DeQuoiÇaParle?
Pierre a un projet d’avenir : mourir à 20 ans, pour rejoindre son frère jumeau victime d’un accident quand il avait 10 ans. Car depuis ce drame, Pierre survit plus qu’il ne vit. Isolé, moqué et mal dans sa peau, il est sur pilote automatique et attend son heure.
Malgré tout, il reste un ado avec un corps et un coeur qui vibrent. Il aimerait aimer, il aimerait qu’on l’aime. Il aimerait qu’on le touche. Mais il est trop mal. Il a trop mal.
Seule chose qui lui vide la tête : la course. Alors Pierre enfile ses baskets, avale les kilomètres, dans l’espoir peut-être aussi, que son coeur lâche…
Ou qu’il trouve de quoi battre encore.
#PierreQuiCourt
Difficile de faire un résumé plus gai de ce titre qui, comme je le disais plus haut, est très noir. Sous forme de journal intime, le discours de Pierre est assez glaçant. Le jeune homme est triste, il est vide, il n’a envie de rien et les premiers chapitres sont assez difficiles.
Et puis, son quotidien change un peu, avec la course. Cette pratique intensive va modifier son corps et le regard que les autres portent sur lui.
Ici, Anne Percin dresse le portrait sans concession d’un adolescent en souffrance extrême, figé dans un drame qu’il n’arrive pas à surmonter. Elle n’a pas peur de plonger au coeur de l’intime, de dire le pire, celui que l’on ressent quand on est au plus mal. Et ça sonne très juste.
Et si cela semble aussi réel, c’est aussi que ce texte, le premier de l’autrice je le rappelle, a été écrit - en partie, il y a aussi de la fiction- à partir du vécu d’Anne Percin. La postface en dit plus sur la genèse de ce livre et l’on saisit mieux encore la justesse des propos, derrière la noirceur.
Et puis il y a quand même un peu de lumière dans ce texte. Elle se faufile, comme toujours. Il faut savoir la voir. Pierre va trouver un autre moyen de s’exprimer, de s’apaiser.
Rien n’est facile dans ce texte. Anne Percin a pris le parti de décrire la vie telle qu’elle est parfois, dure et sans pitié. Mais elle offre aussi une part belle à la possibilité de se relever, même quand on croit que le bonheur est hors de portée.
Un texte percutant que je vous conseille grandement. Peut-être pas le premier à lire si vous voulez découvrir l’humour d’Anne Percin. En revanche, Point de côté montre tout le talent d’écriture de cette autrice, référence pour moi en littérature ado. Et pour ma part, je me réjouis de ne pas avoir terminé d’explorer sa bibliographie qui regorge de textes plus surprenants les uns que les autres.
#PourQui?
Pour ceux et celles qui cherchent un texte sombre et percutant.
Pour ceux et celles qui aiment la course à pied.
Pour ceux et celles qui ont l’impression que plus rien ne vaut la peine.
Pour tous et toutes à partir de 14 ans.
#VosCommentaires