Je me souviens de Janis est folle… Pour ceux qui l’ont lu, j’imagine que vous vous en souvenez aussi. Ce roman m’avait dérangée mais aussi beaucoup plu.
Avec Loukoum mayonnaise, Olivier Ka y va moins fort. Il faut dire aussi qu'il s'adresse à un public un peu plus jeune.
Néanmoins, il ne nous ménage pas en nous invitant à suivre la lente et violente dégradation d'une situation familiale sur fond de quête identitaire, de racisme et de guerre entre grands-parents. Explosif !
Victor est un jeune garçon égyptien par son père et belge par sa mère. Cette dernière a quitté la famille sans explication et son père s’apprête lui aussi à partir à Alexandrie mais pour y travailler.
Victor est alors confié à ses grands-parents maternels qui habite à Nivezé, en pleine campagne belge.
De temps en temps, ses grands-parents paternels qui habitent Bruxelles viennent lui rendre visite.
Petit à petit, entre les deux côtés de famille, la tension monte autour de la question du rôle de chacun auprès de Victor mais aussi et surtout à cause de leurs différences culturelles.
Au milieu de tout ça, complètement tiraillé, Victor ne sait plus qui il est ni même qui il doit être…
Ce roman est habile. Olivier Ka l’est avec ce récit. Il nous amène à réfléchir sur de nombreuses thématiques intéressantes.
Cette histoire débute pourtant plutôt simplement : un enfant mis en garde chez ses grands-parents. Mais tout est finalement bien plus compliqué qu’il y paraît. Alors que plus aucun parent n’est présent, Victor se retrouve pris au piège... par ses propres grands-parents.
Il devient l’enjeu d’une guerre de famille, d’origines et de sentiments. Il cristallise aussi toutes les rancoeurs, l'animosité latente et le racisme ambiant.
Victor a une double culture : arabe et belge. A vrai dire, avant que son père s'en aille, cela ne lui avait jamais posé le moindre problème. Et maintenant, tout est différent. Doit-il vraiment choisir ? Au fur et à mesure, à cause de ses grands-parents, il se sent obligé de le faire ou du moins, d'essayer...
Il tombe petit à petit sous emprise. C’est terrible car ces personnes qui sont normalement là pour veiller sur lui vont finalement se servir de lui et oublier qu'il est un enfant qui n'a pas à subir tout ça.
Et si au départ, l’amour qu’ils portent tous à Victor peut expliquer leurs réactions, très vite, c’est la rage et la haine qui les animent. Enfin, surtout les deux femmes, car les deux hommes tentent essentiellement de les canaliser l’une et l’autre…
Victor est un personnage très touchant. Son histoire l’est aussi. On sent toute la détresse qui l'habite et les questions qui le hantent. Il est complètement étouffé par l’amour des uns et des autres. Il entend beaucoup de choses, trop de choses sur les uns, les autres, les arabes, les belges, l’Egypte… D'un côté comme de l'autre, on lui fait les yeux doux, on lui mitonne des bons petits plats. Mais il est finalement perdu au milieu de toutes ces attentions qui ne sont pas forcément bienveillantes. Et lui, a-t-on cherché à savoir ce qu'il veut vraiment ?
La guerre ouverte entre les deux couples de grands-parents est poussée à l’extrême. Si certaines scènes relèvent du Grand-Guignol, elles n’en restent pas moins effrayantes mais malheureusement révélatrices de certains comportements et façons de penser. On pourrait s’en amuser si Victor n’en était pas la triste victime.
Mais bon, on rit quand même, à d’autres moments. Cela permet aussi de désamorcer la tension présente.
Comme son titre, ce roman repose sur de fortes oppositions qui essaient de cohabiter : amour et haine, humour et sérieux, loukoum et mayonnaise, …
Je suis véritablement conquise par ce court roman surprenant et percutant qui permet de réfléchir au racisme ordinaire, aux difficultés que peut poser une double culture dans notre société et qui invite aussi à s’interroger sur la place des grands-parents aujourd’hui.
Venez vite déguster (et aussi vous piquer la langue) avec cet étonnant Loukoum mayonnaise.
Pour ceux et celles qui aiment les histoires de famille.
Pour ceux et celles qui ont deux pays.
Pour ceux et celles qui n’ont pas peur que tout dérape.
Pour tous et toutes à partir de 12 ans.
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