Si j’ai émis quelques (toutes petites) réserves sur le Pépix de Claire Renaud, sa plume prend une toute autre dimenson dans ce roman publié dans la collection Exprim. Avec humour et pudeur, elle dresse une jolie chronique familiale et de beaux portraits de garçons et d’hommes. Coup de cœur !
Le roman se passe à Noirmoutier où habite la famille Fradet (ou « Dégâts » parce qu’ils ne sont que des garçons et « qu’en matière de catastrophes, accidents, ratages et autres,[ils] se débrouille[nt] ! » ) : Pierre-Marie, le grand-père, Jean-Marie, le père et les deux fils Yves-Marie, 17 ans, et Louis-Marie, 9 ans. Que des gars avec un nom composé de ce même prénom : Marie. C’est la tradition.
Mais ce prénom est lourd à porter désormais. Marie c’est aussi comme ça que s’appelait la mère d’Yves et Louis. Elle a quitté le foyer mais aussi ses enfants et son mari, sans une explication. Jean s’est d’ailleurs complètement fermé depuis, faisant uniquement acte de présence à la maison et se réfugiant dans ses marais salants (il est saunier). Yves, l’aîné, ne pense qu’à faire du sport pour intégrer l’armée et passe le plus clair de son temps (quand il ne fait pas du sport) à rouler des mécaniques devant les filles.
A la maison, Pierre et Louis sont les deux seuls qui tentent de maintenir un semblant de vie de famille. Louis (qui est aussi le narrateur de cette histoire) tente chaque jour de rétablir le dialogue. Mais personne, ou presque, ne mord à l'hameçon. L’ambiance est pesante, les discussions limitées. Heureusement que le grand-père est là avec ses blagues, sa fantaisie et ses petits plats mitonnés avec amour. Heureusement aussi que Louis a un super groupe de copains sur qui il peut compter. Mais la vie étant ce qu’elle est (imprévisible), l'univers masculin des Fradet va être bousculé par… des femmes, évidemment. Je ne vous dirai pas qui ni par qui ni comment...
Mais petit à petit, la vie va reprendre le dessus. Et biensûr, certains vont vouloir y mettre leur grain de sel (mauvais jeu de mots), quitte à faire des « Dégats » (re-mauvais jeu de mots)
Comme je le disais plus haut, j’ai commencé ce livre avec un tout petit a priori, ce qui n'est pas bien.
Bon, je m'explique. Mon appréhension (toute petite) était en rapport avec le Pépix de l'auteure ( Où sont les filles?) que j’ai récemment lu et que j'ai pourtant bien aimé. MAIS j'avais peur que ça soit un peu redondant cette histoire de monde sans ou avec des femmes.
J'ai commencé Les quatre gars dans le cadre d’une lecture commune (avec @mytouche from Instagram). Et tout de suite, je me suis dit : "Ah voilà ! On y est ! Le lieu, les personnages, le ton et l’humour !"
Oui, après seulement quelques pages, j’étais conquise.
Les personnages masculins ont tous (oui tous!) mais chacun à leur façon, quelque chose de touchant ou d’amusant (souvent les deux).
- Le grand-père : c’est un personnage central essayant de maintenir tant bien que mal un semblant de bonne humeur. Il tient la maisonnée mais vit pourtant avec un fantôme, celui de Raymonde, sa femme décédée quelques années plus tôt. Il pense qu’elle lui envoie des signes. Et ce n’est peut-être pas faux. Il cache lui aussi une fêlure.
- Le père : il est brisé. Il est enfermé dans un mutisme inébranlable. Il ne sait plus communiquer. Il est bourru avec tout le monde. Mais sa carapace abrite encore un cœur palpitant.
- Yves, l’aîné : brut de décoffrage, un peu superficiel et trop fonceur, il va peu à peu changer et évoluer. Même s’il a la tête dure, il est plutôt attendrissant.
- Louis : il voudrait retrouver son papa d’avant. Il aimerait que la maison soit plus joyeuse. Il souffre.
- la bande de copains : Denis et Jules. Deux amis avec qui Louis fait les 400 coups. Ils sont très importants pour Louis. Et le récit des bêtises du petit groupe apporte une grande légèreté et un vent de fraîcheur à l'histoire.
Les femmes aussi sont intéressantes, même s’il y en a moins : deux absentes (la grand-mère et la mère) et deux bien vivantes.
On suit donc la lente évolution de tous ces personnages qui vont devoir (ré)apprendre à communiquer. De toute façon, la situation doit changer, cela devient urgent. Et pour que les choses s'améliorent, il faudra bien qu'ils arrivent à s’ouvrir les uns aux autres.
Alors, même si la vie est rude, salée, piquante pour cette drôle de famille de gars, elle finira peut-être aussi un jour par être belle à nouveau.
Bref, vous l’aurez compris, c’est vraiment un très très chouette roman qui fait beaucoup de bien (enfin, à moi, il m'en a fait).
Juste pour terminer, une petite remarque :
C'est un texte qui peut être proposé à public plus jeune que la plupart des titres de la collection Exprim. Il est moins dur que certains et donc plus abordable.
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