C'est le deuxième titre de la collection dirigée par Vincent Villeminot, Ici/Maintenant, que je lis et je suis encore une fois particulièrement ravie (et surprise) de découvrir une autrice que je connaissais sur un registre différent, réaliste et sensible.
Pour moi, Marine Carteron, c'était le fantastique décalé (Les autodafeurs, Le Rouergue, 2014) et le polar sanglant (Dix, Le Rouergue Jeunesse 2019) avec un humour caustique.
Là, elle nous dresse un portrait tout en sensualité, en ambiguïtés, d'une jeune fille qui cherche son chemin dans une vie où elle ne voit pas la moindre issue, seulement des impasses.
Un texte qui met en lumière la difficulté de faire des choix, l'urgence de les faire alors même qu'on sort des études, de l'adolescence et qu'on ne sait pas encore quel adulte on a envie de devenir.
Louise a 18 ans, son avenir dépend de Parcoursup. OU PAS. Et si la liberté, parfois, c’était de choisir ce que personne ne propose ?
C’est l’histoire d’une route trop droite et d’un pas de côté et d’un moteur qui cale. C’est l’histoire d’un regard qui s’ouvre sur un paysage nu où tout doit être inventé.
Une histoire de courage. Celui qu’on a. Celui qu’on a pas.
C’est l’histoire de Louise.
Je crois que l'histoire de Louise a une portée universelle. Si sa situation est celle d'une ado plongée dans les affres et méandres de Parcoursup, ce casse-tête remet en cause bien d'autres aspects de sa vie. Ce qui lui arrive fait aussi écho à bien d'autres cas de figure qui pour chacun évoquera quelque chose.
Je n'ai pas vécu la tension liée au système actuel post-bac mais les interrogations que ce moment déclenchent chez Louise ont résonné de façon très familière en moi. Qui n'a pas eu à un moment de sa vie la sensation qu'il ou elle était obligé.e de suivre une route tout en sachant que c'était la mauvaise? Que peut-être d'autres chemins étaient accessibles? Qui n'a pas eu l'impression d'être soumis.e à une pression de son entourage? De se sentir obligé.e de se conformer à l'image renvoyée ou attendue ? D'être perdu.e?
En fait, il est réellement question, au delà des choix, de savoir qui l'on est et de l'assumer. Il est aussi question de s'affranchir, de se libérer de l'emprise des autres souvent de ses proches. Ici, Louise n'ose pas affronter sa mère qui la voit déjà poursuivre avec succès ses études sans réellement se préoccuper de ce que veut Louise. Même ses amis, enfin sa meilleur amie, est toxique. En effet, Manon l'est à bien des égards. Elle vampirise Louise, la mettant dans une ombre à la fois rassurante et étouffante. D'autant plus que cette relation n'a pas la même teneur d'un côté comme de l'autre. Louise sait bien que ce trouble auprès de Manon est un jeu dangereux car secret et à une seule joueuse. Mais ça non plus, elle ne peut pas l'assumer. Tout ce qui touche à l'éveil de sa sexualité et la prise de conscience des sentiments est extrêmement bien retranscrit par l'autrice.
Marine Carteron, avec Désorientée, change en quelque sorte de plume pour en prendre une plus sensuelle, plus charnelle, plus sensible... Ce récit centré autour des interrogations, des doutes, des envies, des désirs, du désir, des peurs, des choix, des mensonges et des secrets est celui de l'intime.
On est Louise. On est dans sa tête. On ressent avec elle tout ce qui la traverse, le bon et plus souvent dans le cas présent, le moins bon. Mais n'est-ce pas un mal pour un bien?
Même sur les pages, le texte semble désorienté, prenant des formes mouvantes sur certaines pages, se transformant au gré des émotions et des pensées de l'héroïne.
C'est un texte dans lequel vous ne vivrez pas mille aventures rocambolesques. Il n'y aura pas de magie ou de meurtre. Vous n'allez pas forcément rire. Non, dans Désorientée, il sera question de choisir qui on veut être. Cela paraît banal et simple? Pourtant, c'est bien ce qu'il y a de plus compliqué. Et c'est aussi essentiel.
Un très beau roman qui m'a beaucoup surprise et vraiment touchée.
Pour ceux et celles qui s'interrogent sur leur avenir.
Pour ceux et celles qui aiment les romans introspectifs.
Pour ceux et celles qui se cherchent et qui je l'espère se trouveront.
Pour tous et toutes à partir de 15 ans.
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