Cet auteur est un poète. Sensibles, passionnants, touchants, ces romans le sont à chaque fois. Vango, Tobie Lolness, Le livre de perle, Céleste ma planète, Victoria rêve, Georgia, La bulle, Neverland … Quel que soit le sujet, quelle que soit la forme, Timothée de Fombelle atteint sa cible et le cœur de son lecteur.
Ici, son texte est, comme je m’y attendais, d’une immense délicatesse et d'une grande beauté.
Et cette histoire est sublimée par le dessin extraordinaire et remarquable d’Isabelle Arsenault.
C’est un GROS COUP DE CŒUR pour cet album très émouvant.
Hiver 1917. Rosalie a 5 ans et demi. Sa maman travaille à l’usine et son papa est parti au combat. Alors, ses journées, elle les passe dans le fond de la classe des grands, un cahier et un crayon à la main. Cachée sous les manteaux, personne ne fait attention à elle, ou presque.
Mais cela tombe plutôt bien car Rosalie a besoin de rester discrète. Elle est en mission secrète.
« Je suis un soldat en mission. J’espionne l’ennemi. Je prépare mon plan. Capitaine Rosalie. »
« -Toujours à ton poste, jeune fille ?
Il devrait dire « mon capitaine » et faire claquer ses talons mais je me tais. Mission secrète. Je ne dois rien laisser deviner. »
Autant le dire tout de suite, je ne vais pas vous révéler la mission secrète de Rosalie. Cela serait vraiment dommage et il faut que vous le découvriez vous-mêmes.
Cet album aborde d’une très belle façon la première guerre mondiale et renouvelle ce sujet pourtant maintes fois abordé.
Cette histoire est bouleversante et elle m’a complètement retournée.
J’aurais dû mieux m’y préparer ! J’avais eu la chance d’écouter Timothée de Fombelle parler de Capitaine Rosalie lors d’une journée professionnelle organisée par la revue Page des libraires en juin dernier. L’auteur m’avait encore une fois captivée et subjuguée tant et si bien que j’étais déjà conquise avant d’avoir lu intégralement l’album.
Si Capitaine Rosalie nous parle de la première guerre mondiale, c’est avec une certaine distance. Enfin, c’est ce que le regard innocent de la petite Rosalie nous fait tout d'abord penser. Mais très vite, il faut se rendre à l’évidence, la fillette n’est pas si naïve que ça. Elle est en mission et la guerre, comme tout le monde, la touche personnellement et elle l’affronte à sa façon.
Il faut dire que personne ne lui en parle de la guerre, ou alors à demi-mots ou de façon positive. Par exemple, « Le maître donne toujours les bonnes nouvelles, jamais les mauvaises. » Et comme les lettres de son père que sa mère lui lit et qui parle de tout sauf de ce qu’il vit…
Le mystère de cet album tient en cette question : quelle est donc cette mission que Rosalie veut mener à bien ? On ne le sait pas mais elle prend les choses très au sérieux.
En attendant, les adultes ne se préoccupent pas vraiment d’elle. Elle est discrète et elle se fait discrète dans ce monde troublé où tous les esprits sont préoccupés par une seule et même chose : la guerre.
« Personne ne s’occupe de moi. Les grands m’ont oubliée. Je suis devenue un manteau gris accroché au milieu des autres. »
A part Edgar, « le cancre », et le maître « qui se souvient parfois » de Rosalie. La petite fille a donc le champ libre pour atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée et qu’on est de plus en plus curieux de découvrir.
A travers le récit de Rosalie se dessine une époque terrible dont il est difficile de prendre pleinement conscience mais dont il est nécessaire de parler et de se souvenir.
Isabelle Arsenault a réalisé un travail magnifique sur les illustrations de ce texte. En noir et blanc, avec seulement quelques touches de couleurs en rouge et en orange (les cheveux flamboyants de Rosalie, une écharpe, une couverture,…) elle accompagne ce récit avec la délicatesse et la justesse qu’il méritait. C’est une réussite. Ses dessins nous plongent dans le monde de Rosalie et nous font saisir toute l’intensité des émotions de la petite fille en cette période sombre et difficile.
Capitaine Rosalie se lit une première fois. Se referme avec difficulté. Et puis, une seule envie nous vient alors même qu’on est encore bouleversé : le reprendre pour le relire encore et encore à la lumière du secret de la mission dévoilé.
Un roman précieux.
« Je suis déguisée en petite fille de cinq ans et demi avec mes chaussures, ma robe et mes cheveux roux. Je n’ai pas de casque et d’uniforme pour ne pas me faire remarquer. Je reste là, silencieuse. »
« Les taches de rousseur sous mes yeux, les animaux que je dessine sur la page, les grandes chaussettes jusqu’aux genoux, tout cela n’est que du camouflage. On m’a dit que les soldats se cachent avec des fougères cousues sur leur uniforme. Moi, mes fougères sont des croûtes aux genoux, des regards rêveurs, des petits airs que je fredonne pour avoir l’air d’une petite fille. »
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