J'ai lu deux romans de Luc Blanvillain : L'incroyable voyage de Monsieur Fogg*(Hachette romans, 2017) et La Nébuleuse Alma (Ecole des loisirs, 2016).
Dans les deux, j'avais beaucoup aimé la plume pleine d'humour de l'auteur, avec cependant une préférence pour le deuxième titre.
Dans La loi du plus fort qui paraît dans la collection Ici/Maintenant, dirigée par Vincent Villeminot (excusez du peu!), Luc Blanvillain nous montre qu'il est capable de s'aventurer sur des chemins différents, plus sombres.
Car ici, il n'est plus vraiment question de rire. Mais de survivre.
(*j'ai noté la référence à ce fameux Monsieur Fogg dans ce nouveau roman. Léna en parle plusieurs fois : il a été son prof de français !)
Martin vient de quitter l'emploi auquel il croyait tant.
Sur un coup de tête, il part avec sa soeur Léna au fin fond de l'Hérault en compagnie d'une jolie inconnue nommée Zoé. Cette dernière les invite dans le maset de son oncle, mort récemment.
Mais Léna commence à se poser des questions sur les motivations de Zoé et sur l'inconnu qui rôde dans la forêt depuis leur arrivée.
Ce que je retiendrai de ce roman, c'est qu'il ne nous laisse pas trop le temps de reprendre notre souffle. Comme sur des montagnes russes, on est stressé avec des montées angoissantes et des descentes vertigineuses qui nous décrochent le coeur et l'estomac.
" Comme elle s'apprête à se remettre en marche, un son l'arrête net. Avant même d'en avoir identifié la source, elle sent la peur l'envahir. Pas la peur, la terreur. Une terreur d'autant plus violente et inattendue qu'elle en ignore la cause et qu'elle n'en a jamais éprouvé de pareille."
Comme d'autres lecteurs et lectrices dont j'ai lu l'avis, je trouve clairement que ce roman n'est pas égal en terme d'écriture et de rythme. Mais ce n'est pas une critique ! On a l'impression qu'il a été écrit à plusieurs. Il y a des cassures avec des changements de tons et d'ambiances.
C'est assez déstabilisant à lire car on ne sait jamais quelle direction Luc Blanvillain va nous faire prendre. L'intrigue se noue et se dénoue mais avec lenteur. L'auteur prend le temps. Il y a une véritable ambiance qui s'installe, pesante à souhait.
Et même sur la fin, alors que l'on pense en avoir terminé, l'auteur nous en remet une couche puis une autre puis une autre ! C'est complètement fou et très stressant je dois bien le dire.
Côté personnages, j'ai adoré Léna qui est une adolescente somme toute banale. Elle n'est pas forcément sûre d'elle. J'ai beaucoup aimé toute la première partie, avant que la soeur et le frère ne prennent la route. Léna cogite, beaucoup et la transcription de ses idées en pagaille m'a beaucoup amusée. Elle se pose des questions sur le retour de son frère. Elle s'inquiète aussi. Le ton de Luc Blanvillain dans cet avant est très différent de celui de l'ensemble du roman.
Léna aussi va changer. Au fur et à mesure de l'histoire (et des drames), la jeune fille va s'endurcir, beaucoup. Trop peut-être.
Et puis il y a Martin, ce frère adulé par sa soeur. Lui, il m'a tout de suite inquiétée. Et à vrai dire, il ne m'a pas forcément été très sympathique. Trop de choses à cacher, un comportement trop distant avec sa soeur... Je n'ai pas vraiment réussi à l'aimer. A travers le regard de Léna, on devine qu'il s'est passé quelque chose de grave pour qu'il démissionne de son travail. Un mystère plane sur ce sujet tout au long de l'histoire.
Et enfin, Zoé, cette jeune fille pleine de secrets, que j'ai adoré et en même temps qui m'a beaucoup troublée... On est toujours entre deux feux avec elle. Pourquoi est-elle aussi secrète? Le deuil qu'elle vit n'explique pas tout.
Voilà donc un trio principal parfait bien qu'un peu étonnant pour passer ce séjour au milieu de nulle part...
Ce nulle part à la fois apaisant, magnifique mais vraiment effrayant. Je me suis dis à plusieurs reprises que cet isolement m'aurait totalement paniquée ! Une espèce de sensation d'oppression m'a prise une fois arrivée sur les lieux. Elle ne m'a pas quittée un seul instant. Et puis les alentours, ces ravins, ces forêts, ces trous d'eau aux rochers aiguisés... Trop de lieux dangereux. Léna aussi avait parfois des craintes...
"Elle ne se sent plus aussi bien dans cette forêt sans limites, elle n'y éprouve plus la bienveillance de la terre-mère à son égard, plutôt la froide indifférence de l'univers, pour qui la mort n'est qu'un processus comme un autre. Indifférence ou malveillance? Tranquillité piégeuse. Rochers tapis sous la surface."
Mais j'ai beaucoup aimé la façon dont Luc Blanvillain nous le décrivait, ce lieu, parfait pour le drame qui s'annonçait.
"La voix de sa mère, lointaine, fragile comme celle d'une petite fille, murmure :
- Léna, revenez, s'il vous plaît. J'ai...un mauvais pressentiment.
Elle déglutit.
- Pourquoi tu dis ça, maman, enfin! On vient de traverser le viaduc de Millau, il fait un temps sublime, on...
- Revenez, Léna. J'ai peur."
La mère de Léna l'avait pressenti, ce drame, tout comme Léna au fond d'elle-même, qui s'en voudra toute sa vie...
Mais, non. Je n'en dis pas plus.
Bref, j'ai aimé La loi du plus fort. J'y ai trouvé certaines longueurs mais en même temps elles m'ont aussi permis de me mettre dans l'ambiance et de chuter encore plus bas quand l'action s'accélerait soudain...
Une histoire sombre, très sombre avec ce qu'il faut de mystères, de secrets, de mensonges, de frissons et de coups de théatre.
Le thriller idéal pour cette fin d'été mais pas que !
Pour ceux et celles qui rêvent de partir en vacances dans un coin isolé.
Pour ceux et celles qui aiment les thrillers à l'ambiance bien pesante.
Pour ceux et celles qui aiment mettre à jour des secrets.
Pour tous et toutes à partir de 14-15 ans.
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