Le dernier roman que j'ai lu (et beaucoup aimé) de Pascal Ruter, c'est Dis au revoir à ton poisson rouge (Didier Jeunesse, 2018). Je m'étais laissée prendre au jeu de cette folle enquête à travers le monde.
Avec Ce que diraient nos pères et sa couverture sobre, je m'attendais à quelque chose de différent, de plus sérieux. Mais clairement, je ne m'attendais pas à découvrir une histoire aussi forte et poignante où l'humour est totalement absent.
C'est un très beau texte qui m'a montré cet auteur sous un jour nouveau. Si Pascal Ruter sait nous faire rire, il sait aussi nous faire monter les larmes aux yeux.
Ici, rien ne sourit à Antoine, le triste héros. Sa vie semble recouverte d'un voile gris depuis l'affaire qui a coûté sa carrière à son père. Les malheurs de celui-ci se sont répercutés de façon assez violente sur Antoine qui a dû faire un choix : rester ou non avec son père. Il n'a pas choisi la facilité, celle qui aurait été de tout quitter, partir avec sa mère, laisser la douleur derrière lui pour se construire une nouvelle vie. Antoine a pris une décision courageuse et l'assumer n'est pas facile tous les jours. Et s'il veut soutenir son père, il en parfois honte.
Miné par cette dramatique affaire, Antoine a laissé ses rêves et ses passions de côté. Pour ne pas réfléchir, il s'est orienté vers la mécanique. Heureusement pour lui, il a été pris dans un garage tenu par quelqu'un de bien. Cet homme fait d'ailleurs un peu office de repère, de fgure masculine stable à laquelle se raccrocher.
Mais, la vie semblant s'acharner, un nouveau grain de sable va venir se glisser dans la mécanique déjà bien enrayée de sa vie : sa rencontre avec Gaëtan, Arnaud et Stéphane, trois adolescents un peu paumés.
Antoine va faire un mauvais choix (l'a-t-il vraiment?), celui de les suivre dans leurs combines. Et là, en plus de ceux de son père, il va aussi devoir gérer ses propres problèmes.
C'est toujours perturbant de découvrir un auteur dans un autre registre. C'est aussi assez excitant.
Pascal Ruter, comme je le disais en introduction, m'a complètement bluffée avec cette histoire très sombre à l'opposé de son dernier roman qui partait dans un délire total !
Vraiment, Pascal Ruter nous offre un texte qui nous montre combien il dure de se relever quand la vie nous a mis à terre, qu'il est parfois difficile de ne pas tomber dans d'autres dérives quand on est déjà en perte de repères. Il nous dépeint une jeunesse désabusée, paumée qui ne voit l'amusement que dans le danger et la prise de risques inconsidérés.
Mais c'est aussi une jeunesse touchante car derrière chaque adolescent se cache une grande détresse. Ils ont des profils différents mais sont tous blessés. C'est vraiment cela qui m'a plu dans ce texte car l'auteur parvient à nous montrer que rien n'est tout noir ou tout blanc.
Un autre élément entre en jeu aussi qui permet d'aborder un sujet d'actualité, un drame humain et social : les migrants qui tentent de rejoindre l'Angleterre. Nous sommes du côté du Havre et les drames se multiplient pour toutes ces personnes qui cherchent à rejoindre une terre d'accueil.
Ce sujet est habilement noué au reste de l'intrigue et lui offre un dénouement plus lumineux, si l'on peut dire.
Et puis, il y aussi une histoire d'amour. Pas au sens propre. Antoine n'a plus la tête à ça mais aimerait pouvoir l'imaginer à nouveau. Et reprendre un semblant de vie normale.
Est-ce trop demandé?
Est-ce possible avec tout ce qui lui est arrivé et avec tous les événements qui viennent de se produire?
Bref, ce roman m'a vraiment touchée car il parle de la vie avec tout ce qu'elle a de dur et d'injuste. L'auteur ne noircit rien. C'est une réalité. Mais il nous montre aussi que parfois, il suffit de savoir reconnaître ses erreurs, aider son prochain et accepter qu'on nous tende la main. Il apporte à cette descente aux enfers un dénouement un peu étonnant mais qui conclut très joliment le roman et apaise le héros sur bien des plans.
Un texte sensible et cruel qui ouvre de nombreuses pistes de réflexion sur notre société actuelle, sur la difficulté de se construire en tant qu'individu dans celle-ci et sur la fragilité de ce que l'on croit acquis.
C'est assez juste et si c'est assez déprimant par moment, c'est aussi ne façon d'en prendre conscience pour essayer d'aller de l'avant.
Pour ceux et celles qui aiment les romans qui parlent des problèmes de la vie.
Pour ceux et celles qui aiment les histoires d'adolescents en perte de repères.
Pour ceux et celles qui s'interrogent sur notre monde d'aujourd'hui.
Pour tous et toutes à partir de 14-15 ans.
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