La route froide

Soumis par HashtagCeline le mer 20/11/2019 - 21:50
"Les grosses chaussettes serraient ses jambes jusqu'au mollet comme deux tuyaux de fer, et les lacets des mocassins, noués et tordus de façon bizarre, étaient aussi durs que du barbelé. Il essaya de les défaire avec ses doigts nus, puis il réalisa que ça ne servait à rien. Alors il prit son couteau et -Et c'est la que les choses commencèrent vraiment à déconner." 
#ThibaultVermot

 

Chaque roman de Thibault Vermot a été salué par la critique. J'avais été complètement conquise par Colorado Train paru en 2017 chez Sarbacane. Ce roman sombre et oppressant à la Stephen King avait été un choc.

Plus récemment, l'auteur a fait parler de lui (à juste titre) avec son roman Fraternidad, pavé de 634 pages, reprenant dans une aventure d'aujourd'hui les codes du roman de cape et d'épée. Pour être honnête, je ne l'ai pas encore lu en entier... Mais je ne m'avoue pas vaincue ! Je crois que je l'ai juste commencé au mauvais moment, celui où je voulais lire des textes un peu plus courts. Bref.
Et puis, je crois bien que je préfère lire Thibault Vermot dans le registre "aventure flippante un peu glauque" comme c'est le cas avec La route froide. Il sait vraiment y faire.

Je l'ai déjà dit mais si j'ai eu froid, pour une fois, j'ai adoré ça.

 

#QuatrièmeDeCouv'

 

Ce matin, Jonah se réveille seul chez lui : ses parents sont partis chercher des plumes d'oie pour fourrer leurs oreillers. Qui a besoin de plumes d'oie en 2018 ? Il faut dire qu'ils ont lâché leur job en Californie et sont partis à l'autre bout du monde, dans le Yukon.

Alors Jonah décide de partir en reconnaissance dans la forêt. Il fait un temps de morse, un froid à couper la peau : mais il a pris toutes les précautions nécessaires.
Il suit la piste fine comme un cheveu dans l'immensité blanche...

Peut-être bien que le vieux Stegner avait raison. Peut-être bien que Jonah n'aurait pas dû partir à l'aventure par ce froid.

 

#EnferBlanc

 

Avant d'ouvrir La route froide, vous allez vous arrêter sur la couverture. Noire, mate avec ses petites vignettes, comme autant d'éléments clés du récit. Magnifique, elle nous invite à entrer avec une certaine solennité dans le roman. De fait, avant de me lancer, j'étais déjà assez impressionnée, inquiète mais très impatiente. 

Et puis, on découvre les premières illustrations intérieures d'Alex W. Inker. En noir et blanc, son trait donne de la force au récit. Avec son dessin crayonné, il apporte une certaine âpreté, celle de la nature et de l'environnement dans lequel évolue Jonah. Issu de l'univers de la BD, l'illustrateur nous propose des planches saisissantes de réalisme qui apportent un vrai plus à l'aventure. Mon seul regret? Qu'il n'y en ait pas plus... Elles contribuent vraiment à nous plonger dans ce que va vivre Jonah, que ce soit réel ou plus imaginaire. Et même si je me doute que c'est un sacré travail pour Alex W. Inker, admirer quelques pages dessinées de plus n'aurait pas été de refus. Je ne connaissais pas le travail de l'illustrateur. La route froide m'a donné envie de m'y intéresser.

Et puis vient le moment de faire le premier pas dans le récit.

La route froide est un long monologue. En effet, dans ce roman, le personnage principal est seul. Seul au milieu de nulle part. Mais cela n'est pas pour lui source d'inquiétude (au début du moins). Au contraire. Comme ses parents, finalement, Jonah ne s'est pas trop mal adapté à ce nouvel environnement.

"(...) Papa et Maman parlèrent de couper du bois, fumer du saumon, de construire des cabanes en rondin, de porter des chemisesà carreaux et des toques en poils d'ours, de boire de la bière - bref, de tous ces trucs que Jonah ne connaissait que dans les bouquins. Vivre, quoi...! - Vivre dans un coin où l'hiver bousillait tout, même l'électricité. Une sorte de paradis."

Ils sont pourtant passés de la chaleur de la Californie aux températures glaciales du Yukon (région du nord-ouest du Canada). Mais Jonah rêve d'aventure. Et ce matin-là, il a une envie irrépressible d'aller marcher dans la neige avec un but : aller voir la forêt de cèdres rouges. Avec ce bois particulier, il a imaginé construire sa chambre, extension à la cabane de ses parents. Car s'il s'est bien habitué à sa maison, il n'y a pas son propre espace donc pas trop d'intimité. Bref.

Jonah se prépare et sort. Sauf que sa petite marche va tourner au cauchemar.

Et le pire, c'est qu'on le voit venir. Jonah est confiant. Bien trop confiant. Et cela va lui jouer des tours.

On suit le fil de ses pensées qui vont qui viennent sur des sujets plutôt légers au départ (les filles, sa chambre, son quotidien) puis qui glissent sur une pente plus sinistre avec des boucles de stress et d'angoisse qui le perturbent. Il se rassure, il se dit que ça va aller. Il est tout seul. Ce n'est pas Spot, le chien, qui va pouvoir lui offrir des paroles de réconfort. D'ailleurs, si l'animal offre une présence joyeuse et réconfortante au départ, il va aussi précipiter le drame qui s'annonce.

Jonah n'a personne d'autre que lui pour l'aider face à cette peur grandissante dans le froid. Lui reviennent alors en tête de vieilles légendes qui vont alimenter son anxiété. Une scène terrible et très effrayante va lui faire perdre les pédales ( en même temps, c'est carrément flippant).  L'imagine t-il? Est-ce réel? Il est si fatigué, si loin de chez lui et si seul... Il ne sait plus trop où il en est. Et nous non plus.

"- Qu'est-ce qui est vrai, après tout? Ce qu'on voit ou ce qu'on sait?"

La route froide est un roman d'aventure, la vraie. Celle qui tourne mal et vous force à repousser vos limites. Imprudence et imagination galopante vont faire perdre ses moyens à notre jeune héros mais il va tout de même faire preuve d'un certain sang froid.

Comme dans Colorado Train, il y a une véritable ambiance qui nous met mal à l'aise. Thibault Vermot ici, nous fait ressentir le froid qui s'insinue, comme la peur, au plus profond de nos entrailles. La panique nous gagne vite, perdus au milieu de cet enfer blanc.

"Comment tout ça avait-il pu se produire en deux heures?

Comment avait-il pu en arriver là?"

Si tout commence plutôt bien, le moral et l'optimisme de Jonah baissent à vue d'oeil, s'assombrissant au fur et à mesure que le récit avance, étouffés par la neige. On entrevoit alors les failles et les doutes qui rongent le jeune garçon. Cette épreuve remet beaucoup de choses en question et le fait s'interroger sur sa vie actuelle mais aussi son passé.

Tibault Vermot a bien choisi le cadre de son histoire et sait parfaitement nous le décrire. On s'y croirait ! Honnêtement, si j'ai trouvé que le coin avait l'air joli, passé un certain stade, j'étais vraiment sur les nerfs, attendant juste de trouver un point de chute, un point de repère et un endroit où voir le héros se réchauffer.

Malgré tout, je l'ai trouvé vraiment courageux, Jonah, car à moins que ça j'aurais abandonné, me laissant bien vite mourir dans la neige.

Thibault Vermot nous fait aussi passer quelques messages autour de la nature, et des "natifs" de ce territoire empli de légendes. C'est ainsi qu'on referme son livre, avec le cerveau un peu gelé mais des pistes de réflexions.

Je vous invite donc fortement à lire ce court récit très intense qui vous fera frissonner, même si vous êtes bien au chaud, sous un plaid ou près de votre cheminée.

 

#PourQui?

 

Pour ceux et celles qui aiment les longues longues longues promenades dans la neige.

Pour ceux et celles qui aiment frissonner... de peur.

Pour ceux et celles qui aiment la solitude.

Pour ceux et celles qui veulent vivre une aventure hors du commun, à la limite du réel.

Pour tous et toutes à partir de 13-14 ans.

 

Coup de cœur !
Illustrateur
Editeur
Public
Date de sortie
Nombre de pages
170
Prix
14.50 €
Langue
Français
Image

#VosCommentaires

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