"Charity vint toucher le cou de Griff. Griff attrapa le bras de son frère. Liés ainsi, la chanson se faisait de plus en plus présente, et Thomas vint se joindre à eux, leur enveloppa les épaules de ses bras, oscillant dans l'océan - la chanson hurlait. Ils rirent, éclatèrent de joie, et ils étaient à nouveau tous ensemble à un concert. Peau contre peau, fronts rapprochés. C'était difficile de regarder quelqu'un dans les yeux avec toutes ces émotions. Parfois, ils changeaient de formation, parfois ils détournaient la tête, mais la musique les appelait à se rapprocher, encore et encore."
#Ouverture
Radio Désastre est un roman assez surprenant. Alors pas forcément qu'au niveau du sujet abordé (quoique…) mais surtout dans la façon dont se construit et évolue l’histoire. En effet, Radio Désastre se joue en plusieurs temps, sur plusieurs cadences, comme dans la Symphonie en trois mouvements de Stravinsky, le morceau de piano qu’ont l’habitude de jouer les deux héros, des jumeaux : Léo et Griff. Le récit est d’ailleurs découpé comme une pièce musicale avec l’ouverture, l’andante et le scherzo.
Avec des rythmes différents, marquants des moments clés et des étapes dans la vie des personnages, les émotions nous arrivent par vague.
De fait, en lisant ce livre, j’ai eu comme l’impression d’en lire plusieurs. Cela a eu pour effet de me perdre un peu parfois mais aussi de me captiver malgré tout car même si j’ai mis un peu de temps à le terminer (c’est un petit pavé de 450 pages), je ne m’y suis pas ennuyée.
#Andante
Aujourd'hui (ou dans un futur très proche), Léo et Griff, des jumeaux, vivent à Clade City, sur la côte ouest américaine, et font partie d’une communauté survivaliste. Enfin, Griff, lui, se sent un peu moins impliqué que les autres et il subit les contraintes de ce mode de vie. Ce qu’il aime, c’est le phare de la ville où il rêve d’animer une émission de radio, la musique et surtout Charity. Mais pour ce dernier sujet, il le garde pour lui. Il sait que sinon, Léo, plus sûr de lui, tentera sa chance avec la jeune fille et Griff ne veut pas prendre le risque de la perdre.
Dans la première partie du roman, on découvre l’univers des personnages dans cette ambiance où la survie est au cœur des préoccupations. Dans ce contexte anxiogène, Léo, Griff, Thomas et Charity, tous fans de musique, décident de se construire une bulle en formant un groupe. Ensemble, ils rêvent d’enflammer les foules avec leurs compositions. En attendant, ils explorent les environs avec radios et écouteurs afin de capter des fréquences et des musiques d’ailleurs. Ils ont un coin spécial pour ça. Charity va intercepter un morceau qui immédiatement les électrise. A partir de ce moment-là, une seule obsession va les guider : retrouver le groupe à l’origine de cette musique qui les a complètement chamboulés.
#Scherzo
Ainsi débute une quête qui peut sembler vaine ou folle mais qui va les mener sur des chemins dangereux, à conduites insensées, des dérapages, des moments de grâce mais aussi un drame.
Si la musique et cette recherche active les animent, les sentiments ne cessent de bouillonner, accentuant les échauffements fraternels. La rivalité amoureuse quoiqu’un peu secrète qui oppose les deux frères va mettre tout le groupe sous tension. Charity est au centre de l'attention de Griff et Léo. Tous deux tentent de la séduire. Griff est timide et Léo plus offensif. Et tout va basculer.
Encore une fois, comme je le disais, il y a vraiment des passages très différents dans ce texte et toute la jalousie disparaître, au moment de l’andante, pour faire prendre au récit une direction totalement différente où, comme il l’est dit au début du roman, le rythme va être “[p]lus lent. Plus profond. La partie pendant laquelle les grands-pères s’endorment et les gens partent.” Clairement, ça n’a pas été le cas pour moi. Je suis restée bien éveillée ! C’est la partie que j’ai préférée. Je ne peux pas vous en dire trop mais j’ai été particulièrement touchée.
Et puis, il y a le dernier mouvement ( le scherzo) qui part dans un délire totalement inattendu. C’est peut-être le moment où je me suis un peu perdue même si j’ai trouvé, d’un autre côté, que cela donnait un coup de boost final. Dans cette dernière partie, tout est possible.
Je me rends compte en écrivant cette chronique qu’il est très difficile pour moi de parler de ce livre alors même que je ne l’ai pas lâché. Je crois qu’il a suscité en moi des sentiments assez contradictoires. Je ressors de cette lecture avec l’impression d’avoir parcouru un long chemin. J’ai croisé des gens fous et des gens normaux mais extrêmement touchants. J’ai senti et vibré au son de la musique et des émotions des héros. J'ai découvert des modes de vie radicalement différents. J'ai aussi eu encore une fois la preuve que la vie est fragile et précieuse et qu'il faut en profiter. Et que croire en ses rêves permet de surmonter les drames et les difficultés.
Je trouve que l'auteur a accompli un tour de force avec ce récit qui est à la fois profond, déroutant, sensible et complètement fou.
Il m’en restera un joli souvenir, à la fois flou sur certains points et très fort sur d’autres.
Une belle surprise.
#PourQui?
Pour ceux et celles qui feraient tout pour la musique.
Pour ceux et celles qui aiment les histoires d'amour, d'amitié et de rivalités.
Pour ceux et celles qui s'interrogent sur le survivalisme.
Pour ceux et celles qui cherchent plusieurs romans en un.
Pour tous et toutes à partir de 13 ans.
#VosCommentaires