Une quatrième de couverture peut parfois vous induire en erreur. A la lecture de celle de Miss Crampon, je m'attendais à une histoire tournant de près ou de loin autour du monde du foot. Et pour être tout à fait honnête, ça ne m'inspirait pas plus que ça. Au final, si ce sport est présent dans ce roman, il n'est qu'un sujet traité sur la tard et surtout prétexte à pousser notre héroïne à se dépasser.
Et de moyennement inspirée, j'en suis ressortie complètement emballée.
C'est un coup de cœur !
Suzine "se chute". Non, rien à voir avec le fait de tomber. Quand Suzine se chute, c'est qu'elle se tait ou qu'elle dit aux autres ce qu'ils ont envie d'entendre.
C'est un principe qu'elle a adopté notamment à cause de son "petit problème".
Comme beaucoup d'autres, Suzine a des parents séparés. Son quotidien se partage donc entre son père et sa nouvelle compagne, l'exhubérante Camélia, et sa mère.
Au collège, elle passe ses journées avec ses deux "meilleures amies" : Violetta et Romane.
Tout allait plutôt bien jusqu'à ce que les choses dérapent, juste avant les vacances. En effet, une petite brouille au sujet d'un garçon, Tom, a mis de l'eau dans le gaz entre les deux amies de Suzine. Et cette dernière s'est trouvée prise à partie. Et comme à son habitude, elle s'est chutée . Et comme c'était à prévoir, cela s'est retourné contre elle.
Alors, tout en stressant à l'idée de la rentrée, Suzine essaie de profiter de ses vacances avec son père et Camélia au ski pour essayer de se changer les idées et surtout trouver une solution pour apaiser les tensions. Les choses ne vont pas s'arranger quand elle découvre que le fameux Tom, objet de la discorde, passe lui aussi quelques jours dans la même station...
Miss Crampon est une belle surprise qui m'a permis de clore mon année de lectures 2018 en beauté.
J'avais lu Proxima du Centaure, le précédent roman de Claire Castillon, qui m'avait laissé une drôle d'impression. J'avais ressenti beaucoup d'émotion mais en même temps, le style de l'autrice m'avait empêchée de me laisser emporter par son histoire si singulière.
Avec Miss Crampon, c'est tout l'inverse. Le style m'a complètement conquise et j'ai de fait totalement adoré ce roman!
Et j'ai retrouvé tout ce qui m'avait plu dans Proxima du centaure !
Comme par exemple, les personnages. Ils sont tellement drôles, à la limite de la caricature. Mais en même temps, à chaque fois, si on réfléchit bien, on a tous dans notre entourage des gens qui leur ressemblent, une Camélia ou une Violetta...
Et derrière une apparente légèreté, ce roman nous laisse finalement découvrir une héroïne avec ses failles, une famille qui a su rebondir et des amies plus blessantes encore que ce qu'elles nous donnent à voir au début de cette histoire.
Suzine avec "son petit problème" a souffert et s'est trouvée mise un peu à l'écart du monde. Cela se ressent dans sa façon d'être et dans ses rapports aux autres. Elle s'est trouvée des amies mais n'a pas forcément les mêmes préoccupations qu'elles.
Suzine est vraiment très touchante. Cette manière de vouloir arranger tout le monde en ne disant jamais ce qu'elle pense vraiment ne la protége en rien, bien au contraire.
J'ai trouvé qu'à travers l'histoire de Suzine, Claire Castillon abordait habilement la question de l'affirmation de soi qui passe avant tout par l'affirmation de ses idées.
On voit bien que petit à petit Suzine n'a plus le choix : elle va devoir montrer qui elle est vraiment. Même si cela fait mal aux autres, même si cela la met à nu et même si cela révèle aux yeux de tous son "petit problème".
Celui-ci est évoqué de manière assez discrète, fil rouge du récit. Il est l'élément qui a rendu Suzine telle qu'elle est.
Miss Crampon pose des questions importantes : Comment s'organise la vie auprès de parents séparés? Qu'est-ce que l'amitié? Le harcèlement est-il toujours tel qu'on l'imagine ? Comment vivre avec une différence presque invisible?
Vraiment, Claire Castillon sait nous parler de choses graves et essentielles avec cette façon bien à elle de le faire : avec humour.
Et enfin, ce qui m'a beaucoup plu également, ce sont les relations qui lient les personnages les uns aux autres. Elles sont assez ambivalentes et plutôt étonnantes. Celle entre Suzine et sa belle-mère est touchante, celle entre Suzine et ses amies est glaçante. J'ai d'ailleurs trouvé que Claire Castillon parvenait totalement à nous mettre au coeur des histoires de collègiennes de Suzine. Cela m'a rappelé des souvenirs... Et côté relation encore, celle entre Suzine et sa mère est atypique. Celle-ci lui envoie des petits poèmes par SMS, des petits messages pour voir la vie de façon positive.
Il y a encore beaucoup de choses à dire sur ce livre qui m'a vraiment ravie, à tous les niveaux.
Pendant ma lecture, j'ai noté de nombreux passages qui m'ont vraiment fait rire ou qui m'ont émue.
Ce roman est une belle invitation à s'assumer, à se détacher du regard des autres mais surtout à dire haut et fort ce que l'on pense !
A l'élection de Miss Crampon, clairement, je vote pour Suzine !
Pour ceux et celles qui se chutent.
Pour ceux et celles qui ont eu ou qui ont un "petit problème".
Pour ceux et celles qui aiment les histoires d'amitié.
Pour ceux et celles qui aiment les histoires de famille.
Pour ceux et celles qui aiment rire.
Pour tous et toutes à partir de 11-12 ans.
"Suzine Domestos. C'est mon nom. Le jour où mes camarades feront le ménage eux-mêmes, ils me parleront aussi de mon nom de famille, mais pour le moment ils se contentent de mon prénom." p.29
"Je n'ai pas envie que certaines choses changent. Je sais que l'adolescence me bouscule, qu'elle bouscule aussi mes amies, mais je veux croire que tout ce qu'on se raconte ne peut pas soudain s'arrêter. Je veux croire qu'on se déclare pour de vrai que rien n'est faux quand on se dit Je t'aime ma Romane, t'es trop belle ma Suz' ou j'te kiffe ma Violetta." p.110
"Je m'approche. C'est lourd, là. Qu'est-ce que je peux faire? Comme d'habitude, rien. Me soumettre. Ne pas moufter. Attendre. Me laisser porter." p.157
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