Je voulais lire ce roman depuis sa sortie. Je n'en avais pas encore eu l'occasion. Je retrouve Neal Shusterman pour un texte écrit à 4 mains. En effet, il signe Dry avec Jarrod, l'un de ses quatre enfants.
L'année dernière, l'auteur m'avait complètement emportée avec l'exceptionnel Le goût amer de l'abîme (Nathan, 2018) illustré par un autre de ses fils, Brendan atteint de schizophrénie.
Neal Shusterman connaît par ailleurs un grand succès avec sa trilogie La faucheuse ( R Laffont) que je n'ai pas encore lue.
Je ne suis pas déçue par ce roman qui interpelle par par la lumière qu'il braque sur un problème annoncé.
Avez-vous déjà eu vraiment soif ?
La sécheresse s'éternise en Californie et le quotidien de chacun s'est transformé en une longue liste d'interdictions : ne pas arroser la pelouse, ne pas remplir sa piscine, limiter les douches...
Jusqu'à ce que les robinets se tarissent pour de bon. La paisible banlieue où vivent Alyssa et sa famille vire alors à la zone de guerre.
Soif et désespoir font se dresser les voisins les uns contre les autres. Le jour où ses parents ne donnent plus signe de vie et où son existence et celle de son petit frère sont menacées, Alyssa va devoir faire de terribles choix pour survivre au moins un jour de plus.
Ce qui est terrifiant dans ce roman, c'est qu'il nous donne une vision d'un avenir terriblement réaliste. Ce qui se passe dans Dry pourrait arriver demain. Et cela se passerait sans aucun doute comme le décrit parfaitement Neal Shusterman.
La pénurie d'eau, cette ressource que l'on consomme aujourd'hui sans se poser (trop) de question... Si ça n'est pas le cas partout dans le monde, par chez nous ou aux Etats-Unis, où se déroule l'action de Dry, c'est ainsi.
Neal Shusterman nous invite, avec ce roman choc et extrêmement concret, à nous interroger sur notre façon de gérer cette denrée qui n'est pas inépuisable. Et surtout à modérer son usage. Il ne nous fait pas le leçon mais je vous garantis qu'une fois le livre refermé, vous ne regarderez plus l'eau coulée du robinet avec la même insouciance.
C'est un scénario catastrophe qu'il nous propose mais finalement, n'est-ce pas vers cela que l'on tend à continuer d'agir de la sorte?
"- (...) Vous savez, il y a cette théorie qu'on appelle "Trois jours pour retomber à l'état animal" selon laquelle...
- Je ne veux pas le savoir, Kelton, dis-je.Tais-toi s'il te plaît.
- Comme tu voudras. (néanmoins il poursuit) Le fait est qu'on est au quatrième jour... du coup, je pense que la théorie se trompe d'une journée."
Mais Neal Shusterman sait y faire et dès les premières pages, la tension s'installe. L'eau manque déjà. L'auteur nous décrit les réactions de chacun, excessives ou mesurées, inquiètes ou rassurantes... Mais les choses s'aggravent.
Avec Alyssa, Garrett, Kelton, Jaqui et Henry, des adolescents qui ne se seraient jamais côtoyer, parler ou rencontrer sans ce drame, on prend la mesure de l'horreur de la situation si l'eau venait à manquer voire ici à complètement disparaître. Leurs relations, la méfiance mêlée à la confiance qu'ils doivent tout de même s'accorder jouent pour beaucoup dans la force de ce roman. Les personnages sont parfaits pour le drame qui se joue.
Et indéniablement, Neal Shusterman est un bon conteur. Il fait monter l'angoisse au-delà du seul manque d'eau. Il nous laisse de l'espoir, puis l'anéantit. Rien n'épargne nos héros livrés à eux-mêmes, sans leurs parents. En même temps, à la lumière de ce qui va tous leur arriver et comment les adultes vont réagir, sur qui peut-on vraiment compter?
"Enfant, on idéalise ses parents. On pense qu'ils sont parfaits car ils sont notre seul repère, le mètre avec lequel on mesure le monde et nous-mêmes. Adolescent, on ne les supporte plus, parce qu'on se rend soudain compte que non seulement ils ne sont pas parfaits, mais qu'ils sont peut-être encore plus à la ramasse que nous. Et puis, il y a cet instant où on prend conscience que ce ne sont ni des superhéros ni des méchants. Ce sont ni plus ni moins des humains. La question qui se pose alors, c'est de savoir si on peut leur pardonner de n'être, en fin de compte, rien de plus que des hommes."
Ainsi, les chapitres s'enchaînent, laissant la parole à chacun des adolescents. Il glisse aussi la voix d'anonymes dans des courts passages "Arrêt sur image". Nous avons ainsi d'autres points de vue, extérieurs au drame qui se joue entre les adolescents. On se rend compte que la folie gagne le pays.
Et c'est bien ça qui ressort. Ce roman met à nu le comportement humain. Il nous montre combien un individu peut changer face à une situation critique, face au danger, face au manque, face à la mort. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est assez inquiétant. Et c'est sans doute cela qui fait le plus peur dans Dry. Pas le manque d'eau mais ce que celui conduirait à faire faire aux hommes.
Pour ceux et celles qui se posent des questions sur le monde de demain.
Pour ceux et celles qui aiment les romans où la survie est en jeu.
Pour ceux et celles qui aiment lire sous tension.
Pour tous et toutes à partir de 14 ans.
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